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En janvier 2012, la RATP publie sa première analyse sociologique des comportements incivils et agressifs du métro parisien, livre blanc intitulé « La civilité ça change la ville », et basé sur les témoignages des usagers…
Cette agressivité préoccupe non seulement la RATP mais aussi la société toute entière. Et pour cause : les transports en commun révèlent l’évolution des comportements sociétaux, « et le sentiment diffus d’un délitement du lien social doit beaucoup à l’expérience quotidienne que l’on fait de ces lieux de passage », précisent Julien Damon et Pierre-Yves Cusset, sociologues et auteurs de ce livre blanc.
Aujourd’hui encore, quatre millions de voyageurs emprunteront le tube parisien. Et aujourd’hui encore, de multiples agressions seront observées : insultes, bousculades, croche-pieds, regards incendiaires, coups… L’agressivité des voyageurs ? Elle trouverait son origine dans l’inconfort du métro lui-même. Aux heures de pointe, « on peut observer jusqu’à huit personnes entassées au mètre carré », témoigne Julien Damon. Une trop grande proximité qui affecte les passagers. Car selon l’anthropologue américain Edward T. Hall, une distance physique minimum est nécessaire entre les individus. Dans ce métro, leur sphère dite « intime », comprise entre 15 et 45 cm, est entravée. Sphère que les individus envahissent habituellement pour s’embrasser ou se chuchoter un message à l’oreille, et donc réservée aux amoureux, aux amis proches et à leurs enfants. A cette proximité s’ajoute un inconfort certain : selon Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale à l’université de Grenoble et auteur de L’agression humaine (Dunod, 2010), la situation d’entassement conjuguée au bruit, à la chaleur et aux mauvaises odeurs favorise la montée d’agressivité chez de nombreuses espèces. Car de la frustration naît l’agression, paradigme sous-tendu en 1932 par la théorie de la frustration-agression de John Dollard, chercheur américain en psychologie au Yale University’s Institute of Human Relations. Le postulat est le suivant : dans un certain contexte, la frustration d’un individu encouragerait la montée d’agressivité dont l’expression serait cathartique et libératrice. « Il faut alors compter sur les ressources individuelles pour inhiber les élans agressifs », complète Laurent Bègue. Dans ce sens, les usagers du métro déploient des conduites d’auto-contrôle. Et beaucoup se replient sur eux-mêmes à l’aide de baladeurs, de téléphones portables, de livres. Le contexte urbain encourage lui aussi l’émergence de comportements agressifs : « L’individu n’applique pas les règles d’interaction humaine en vigueur dans les environnements à faible densité humaine, car il a une sous-perception des besoins des autres », ajoute Laurent Bègue. Ainsi, même si l’agressivité des voyageurs du métro parisien est reconnue unanimement, ses causes sont très difficiles à définir, et donc à éradiquer.