La galère des psychologues sur le marché du travail

Retrouvez cet article publié sur le site du Cercle Psy.

Une fois le titre obtenu après cinq années d’étude, multiples sont les difficultés que peuvent rencontrer le psychologue. De l’accès périlleux au premier emploi au non respect de leur pratique, en passant par la non reconnaissance de leur titre, de nombreux cliniciens s’essoufflent. Comment s’en sortent les jeunes diplômés ? Quelles difficultés peuvent rencontrer les psychologues une fois en poste ? A qui la faute ?    

C’est le 25 juillet 1985 que naît le titre de psychologue : au regard de la loi 85-772 sont désormais officiellement psychologues les « titulaires d’un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie ». Malgré cette protection tant attendue, certaines difficultés inhérentes à la profession continuent de sévir… tandis que d’autres font leur apparition.

Trouver un premier emploi de psychologue : une mission de taille

Aujourd’hui, le premier obstacle auquel se confrontent les psychologues en herbe demeure l’accès à l’emploi. Dès la première année de psychologie, professionnels de l’orientation et enseignants d’université sensibilisent leurs étudiants au manque de débouchés de la profession. Tous les mettent en garde contre une insertion professionnelle périlleuse et concurrentielle. Pourtant, les études de psychologie continuent de séduire, et les amphithéâtres ne désemplissent pas : pris dans une volonté de comprendre l’esprit humain, et bien souvent de se comprendre eux-mêmes, de nombreux bacheliers entament un cursus de psychologie. Ce n’est qu’une fois le diplôme en poche que le principe de réalité du marché du travail s’opère !

Un marché de l’emploi saturé

Sur les 45 000 psychologues diplômés, on estime à 35 000 le nombre de psychologues en exercice. En 2005, selon l’Atelier du Congrès de la Société Française de Psychologie (SFP) intitulé « Métier : psychologue ou Métiers de la psychologie », 88 % d’entre eux exerceraient à temps partiel. Sur les 4 000 psychologues employés par la Fonction publique territoriale, seuls 1 500 sont titulaires. On dénombre par ailleurs entre 2 000 et 5 000 psychologues en libéral. Toutefois, il est difficile d’établir des statistiques représentatives car, d’une part, aucune donnée officielle n’est établie, et d’autre part, la grande majorité de ces professionnels cumulent les temps partiels et les employeurs.

Les offres d’emploi publiées sur les sites internet sont prises d’assaut par des dizaines, voire des centaines de candidats. La majorité des psychologues trouve un poste via un réseau de collègues développé au cours d’un emploi précédent. La recherche est donc d’autant plus complexe pour les jeunes diplômés dont l’expérience et le réseau n’en sont qu’aux balbutiements. Et la période de chômage se prolonge. Si cette difficulté d’insertion professionnelle est manifeste, les raisons de celles-ci sont quant à elles plus confuses.

Universités ou psychologues : à qui la faute ?

Selon Christine Goubert, psychologue clinicienne, conseillère technique du Syndicat National des Psychologues, et secrétaire de rédaction de la revue Psychologues & Psychologies, les universités ont leur part de responsabilité : « D’une part, l’université délivre des diplômes de psychologues en trop grand nombre, sans se soucier des possibilités d’emploi. D’autre part, la formation qu’elle propose est souvent trop théorique et pas suffisamment professionnalisante. » Actuellement, de plus en plus d’enseignants envisagent d’ailleurs de réorganiser la formation. Les universitaires souhaitent procéder à une sélection efficiente, et ce bien avant la troisième année de Licence ou le Master comme cela se fait aujourd’hui. Le Syndicat National des Psychologues œuvre par ailleurs en faveur de la mise en place d’un Doctorat professionnel, plus professionnalisant, qui consisterait à ajouter une année de stage après l’obtention d’un Master 2 professionnel. Maryvonne Mesqui, consultante au SOFIP (Service Offre de Formation et Insertion Professionnelle) de l’Université de Paris Descartes auprès de futurs psychologues, pointe quant à elle la qualité de leur recherche d’emploi : « Elle est souvent trop restrictive. Leur formation leur offrant le titre de psychologue, ils ne souhaitent que devenir psychologues cliniciens, tel qu’on leur enseigne à la faculté, auprès du patient. Beaucoup partagent une vision idéalisée du métier et frappent de ce fait aux mêmes portes. » Ainsi, nombreux sont les psychologues qui souhaitent exercer dans une structure de type Centre Médico-Psychologique ou hôpital, et incarner le psychologue tel qu’il apparaît dans l’inconscient collectif. Il existe actuellement pourtant de multiples manières de mettre à profit ses compétences de psychologue. Le marché du travail regorge d’opportunités dont peu se saisissent : formation, conférences, journalisme, développement de jouets pour enfants, consultation en entreprise… « Je m’efforce d’élargir leur horizon professionnel, explique Maryvonne Mesqui. Il ne s’agit pas de dire : « j’ai un diplôme de psychologue alors je veux un poste de psychologue », mais plutôt : « j’ai des compétences en psychologie, voilà ce que je vous propose ». L’objectif étant de faire coïncider leurs compétences avec les besoins du marché du travail ».

Florence Agé, Responsable en orientation et en insertion professionnelle à Sciences Po et animatrice de construction de projet professionnel auprès de futurs psychologues de l’université Paris Descartes, complète : « Je trouve pourtant les étudiants en psychologie particulièrement aptes à s’engager dans une réflexion sur eux-mêmes pour construire au mieux leur projet professionnel. Cette maturité les distingue considérablement des étudiants d’autres cursus. Leur formation cultive en eux cette capacité à prendre du recul et à analyser leur parcours, des compétences-clés à toute insertion professionnelle ». Or, si cette dernière représente une mission de taille pour une majorité de psychologues, l’accès à un premier poste est susceptible de les confronter à d’autres types de difficultés. En commençant par la précarité de leur vie professionnelle caractérisée par des bas salaires, des CDD, une accumulation de temps partiels…

Leur pratique peut être mise à mal…

Si le titre de psychologue est protégé par la loi, sa pratique ne l’est pas, ni le code de déontologie sur lequel il se base. Ce qui représente, selon Christine Goubert, le second point faible de la profession, après celui de la formation non professionnalisante. Le code de déontologie, non légalisé, demeure un code éthique indicatif mais non opposable juridiquement. « Je me souviens, confie Christine Goubert, qu’un médecin hospitalier avait obligé une psychologue de son service à prendre individuellement en thérapie deux membres d’une même famille, ce qui était déontologiquement inconcevable pour cette clinicienne. Or, elle a dû s’y plier : sans quoi elle était licenciée. » Les préconisations du supérieur hiérarchique, quelle que soit sa formation, priment donc sur le code de déontologie du psychologue. C’est la raison pour laquelle le Syndicat National des Psychologues œuvre toujours en faveur d’un Ordre des Psychologues. Toutefois de nombreuses autres organisations continuent de s’y opposer, dont la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie. Celle-ci préférerait que le Code de déontologie fasse l’objet d’un décret d’application de la loi du 25 juillet 1985, ce qui protégerait le psychologue, comme le public, des mésusages de la psychologie.

… Et leur titre n’est pas toujours reconnu !

Si certains psychologues s’efforcent de faire accepter la spécificité de leur pratique, d’autres ne parviennent même pas à faire reconnaître leur titre. C’est le cas entre autres des accompagnateurs d’enfants autistes. De telles offres d’emploi, publiées en grand nombre par Pôle Emploi, vont à l’encontre de la loi de 1985. Car si la mention de psychologue est indiquée noir sur blanc sur l’annonce, le poste réel, lui, ne correspond pas à un poste de psychologue, mais davantage à celui d’un éducateur spécialisé. Mais l’administration de Pôle Emploi répertorie le statut de psychologue à un niveau de BAC + 2… Dans cette lignée, une association du champ social emploie une soixantaine de psychologues sur titre au sein de son service de téléphonie pour adolescents et parents en difficulté. Celle-ci met en avant, via ses prospectus et sites internet, la qualité des psychologues qui réceptionnent les appels sur ses différentes lignes. Mais au cœur de l’association, la réalité est tout autre : ces professionnels ne sont considérés par la direction que comme des Écoutants de niveau BAC + 3, sur la base de la Convention Collective de l’Animation. Cette non reconnaissance symbolique et financière de leur qualité de psychologue cultive, selon certains de leurs salariés, une « réelle maltraitance institutionnelle ».

Les psychologues, des professionnels soumis et effacés ?

L’ensemble de ces mésusages du titre et de la fonction conduit immanquablement à une maltraitance des psychologues et de la psychologie en France. Une maltraitance à laquelle, étonnamment, peu de psychologues s’opposent : « Beaucoup ne sont pas dans la vraie vie et souffrent d’une méconnaissance des lois, de leurs droits et de leurs devoirs », regrette Christine Goubert. « Pour une grande part, la place dérisoire des psychologues résulte de leur inertie, en tant que corporation, à défendre leur territoire : en position de soumission, tenant des attitudes individualistes (…) et incapables de se structurer dans des luttes professionnelles », souligne avec regret Patrick Ange Raoult, maître de conférences en psychologie clinique et pathologique de Grenoble 1, auteur de l’ouvrage La psychologie clinique et la profession de psychologue : (dé)qualification et (dé)formation (L’Harmattan, 2005).

Il s’avère donc complexe de déterminer l’origine des difficultés des psychologues cliniciens. Est-ce la faute d’un marché du travail saturé ? D’une formation incomplète ? D’une concurrence toujours plus intense ? D’employeurs peu respectueux ? Ou bien d’un manque de pragmatisme et de revendication des psychologues eux-mêmes ? Seul l’avenir et les réformes futures qui le ponctueront, nous le diront peut-être.

Pour aller plus loin…

Syndicat National des Psychologues, 40 rue Pascal, Paris. Site internet : www.psychologues.org

Bulletin mensuel Psychologues & Psychologies portant sur la parole publique du psychologue (Syndicat National des Psychologues, Juin 2012).

Fédération Française des Psychologues et de Psychologie, 77 avenue Edouard Vaillant, Boulogne-Billancourt. Site internet : www.psychologues-psychologies.net

Service Offre de Formation et Insertion Professionnelle (SOFIP) de l’université Paris Descartes, siégeant au 12 rue de l’Ecole de Médecine, Paris. Site internet : www.sofip.parisdescartes.fr

Patrick Ange Raoult et al. (L’Harmattan, 2004). La disparition des psychologues cliniciens. Luttes et conflits.

Patrick Ange Raoult et al. (L’Harmattan, 2005). La psychologie clinique et la profession de psychologue: (dé)qualification et (dé)formation.

Rester actif malgré le chômage

C’est durant la période critique de la recherche d’un premier emploi que Cyrielle Vinet, diplômée de l’Ecole des Psychologues Praticiens en 2011, a ressenti le besoin de créer son blog psycogitatio. « C’était un moyen pour moi de continuer à me former et de garder un lien avec la psychologie malgré le chômage. Il m’a maintenue dans l’idée d’être une psychologue active et confiante en ses compétences, ce qui est loin d’être évident en cette tumultueuse période d’inactivité professionnelle. » Son blog, toujours d’actualité, consiste à centraliser les évènements liés à la psychologie (conférences, émissions radiophoniques et télévisées), et à réunir les psychologues, tous courants confondus. Sa devise : « S’informer, se former, se rassembler. »

Publié par Héloïse Junier

Qui suis-je ? Une psychologue intrépide et multicasquette : intervenante en crèche, journaliste scientifique, formatrice, conférencière, doctorante, auteur et blogueuse. Ah oui, et maman aussi (ça compte double, non ?). Mes passions ? L'être humain (le petit mais aussi le grand), les rencontres, le fonctionnement de notre cerveau, l'avancée de la recherche mais aussi l'écriture, le partage et la transmission. Parallèlement à ma pratique de psychologue en crèches et à mon aventure de doctorante à l’université, j’anime des formations et des conférences pédagogiques à destination des professionnels de la petite enfance. Mon objectif ? Revisiter les pratiques à la lumière des neurosciences, tordre le cou aux idées reçues transmises de générations en générations, faire le pont entre la recherche scientifique et le terrain.

28 commentaires sur « La galère des psychologues sur le marché du travail »

    1. Remarque pour l’annonce du cabinet privé à Lyon :
      DiagnostiC, c’est mieux. « Diagnostique », c’est une erreur d’orthographe de première année de fac, après ce n’est plus guère pardonnable. Surtout quand on s’occupe de difficultés scolaires, ça ne fait pas sérieux…

      1. Chère Lucienne, trouver qu’une faute d’orthographe n’est plus pardonnable au-delà d’un certain délai ne me semble pas très « psychologue », nous sommes ts là pour apprendre et réapprendre certaines choses, n’est-ce pas ?

  1. Bonjour à tous,
    Nous recherchons très régulièrment des psychologues (cliniciens, psychologues du développement, neuropsychologues) pour nos centres de consultations Cogito’Z de Paris, Avignon ou Marseille. Nous sommes actuellement dans une phase de recrutement. N’hésitez pas à nous envoyer lettre de motivation + CV à cogitoz@cogitoz.com. Et pour connaitre nos activités et nos champs d’intervention : http://www.cogitoz.com
    Bien cordialement,
    Jeanne Siaud-Facchin

    1. Oui, c’est vrai Mme Siaud-Facchin, je vois parfois des offres d’emploi de Cogito’Z. Le petit problème, c’est que la rémunération que vous proposez est la même que celle d’une femme de ménage, à savoir 13 € de l’heure… alors que les tarifs que vous pratiquez dans vos centres de consultations sont loin d’être à la portée de la dite femme de ménage… Pourtant, vous devez connaitre les problèmes de « précarité de notre vie professionnelle, caractérisée par des bas salaires, des CDD, une accumulation de temps partiels… » puisque vous êtes vous-même psychologue… Finalement, cet article est très juste quand il évoque l’individualisme forcené des psychologues !

  2. Effectivement, comme beaucoup d’autres, la profession est sinistrée, on ne le dira jamais assez.

    Beaucoup trop de psychologues formés, pas assez de postes existants ou créés en raison principalement des éternelles questions de budgets que l’on connait.

    Les psychologues coûtent trop cher, du moins c’est ce que l’on dit souvent, alors les institutions s’en passent en leur préférant des travailleurs sociaux notamment par exemple.

    Il y a si peu de postes, et encore à temps partiel, que certaines institutions se permettent de recruter et sous-payer des psychologues pour faire de l’accompagnement d’enfants autistes.

    Ensuite et par ailleurs, beaucoup de dirigeants et de cadres craignent un peu les psychologues, notamment parce que ceux-ci détiennent des connaissances qui dérangent, potentiellement ou réellement.

    Ces dirigeants et cadres refusent toute mise en question de leurs méthodes de management en particulier, et préfèrent asseoir leur autorité sur leur seul statut plutôt que sur des connaissances psychologiques qui la rendrait plus légitime, en particulier.

    Il y a ainsi au sein des institutions et des entreprises des rapports de forces et de concurrence entre les statuts et les rôles, toutes choses que de nombreux dirigeants veulent ignorer ou s’efforcent de gommer en cantonnant les psychologues dans des positions et des rôles de subalternes.

    Tout cela beaucoup de psychologues le savent bien, comme ils savent qu’ils n’ont pas d’autre choix bien souvent que d’accepter le sort qui leur est réservé par leurs hiérarchies.

    Tout cela aboutit ainsi à une absence ou un manque de reconnaissance se traduisant de diverses autres manières.

    C’est encore le cas avec la domination du pouvoir médical c’est-à-dire notamment des psychiatres.
    Il est loin le temps où les psychologues revendiquaient collectivement leur autonomie professionnelle par rapport au pouvoir médical.

    En institution, la subordination des psychologues aux psychiatres n’a en effet jamais été dépassée ou supprimée.

    Dans le secteur libéral, le non-remboursement des psychothérapies réalisées par des psychologues établit de fait une concurrence déloyale avec les psychiatres.

    Ajoutons enfin la concurrence exponentielle des innombrables psychothérapeutes et coachs souvent formés au rabais, et le tableau est quasiment complet.

    Tout cela pour dire que de nos jours, n’est pas psychologue qui veut… l’obtention du titre n’étant d’ailleurs en rien une garantie de pouvoir exercer le métier, comme de nombreux psychologues le savent.

  3. Le statut des psychologues, encore un reflet de notre société. Je suis en L1, je sais que la compétition est rude et peut-être n’aurais-je pas accès à l’année de M2, mais bref.
    La compétition déloyale avec les psychiatres m’a interpellée.
    Elle est connue oui mais je ne peux pas enlever de mon esprit le fait que les psychiatres servent juste à shooter, endormir les gens qui seraient et sont susceptibles ralentir la « société » (notre monde serait-elle alors une grande entreprise ? ), ou ceux qui n’y appartiennent plus vraiment (je pense aux internés des hôpitaux). C’est peut-être un énorme préjugé, en effet, mais bon. On fait la même chose avec les vieux parce qu’ils n’ont pas de valeur économique, il n’y a plus d’humanité envers ceux qui ne suivent pas le cadre et le rythme, quelques médicaments et vous irez mieux. Allons allons. Et c’est l’industrie pharmaceutique qui s’en réjouit d’autant plus.

    Non vraiment, moi, étudiante, cette galère me fait déjà peur mais on nous l’a dit, le monde a besoin de psychologues donc la faute n’est PAS aux places dans les universités mais aux postes créés. Bref…

  4. Bonjour, cabinet orthophonique ouest lyonnais (st laurent d’agny), cherchons psychologue clinicien(ne) libéral(e) pour travailler conjointement auprès des enfants et de leur famille en difficulté, autre type de clientèle à développer avec le médecin avec lequel nous travaillons également beaucoup, bureau indépendant, loyer raisonnable. 0437225280 BOUSSAND

  5. Cet article souligne des facteurs qui ont tous leur importance notamment la poursuite de la pratique idéalisée du psychologue lequel nous voyons représenté dans les films et autres médias, à savoir des spécialistes du comportement humain aux connaissances profondes et variées. Mais qu’en est il vraiment ?

    Le psychologues qu’ils soient cliniciens, sociaux, développementaux ou cogniticiens souffrent des mêmes défauts –>
    1) Un manque, presque impardonnable dans la pensée profane, de connaissances pluridisciplinaires…en droit, en histoire, en ethnologie, en littérature, en sciences économiques, etc… Qu’il agisse dans le cadre d’une thérapie ou d’une expérimentation, celui-ci se doit d’avoir un point d’ancrage théorique dans la plupart de ses disciplines pour augmenter le nombre de voies que sa pensée peut emprunter et les enrichir.
    2) Ce n’est pas un défaut propre aux psychologues mais à une discipline, à savoir l’attachement de la plupart des facultés de psychologie françaises à l’intégration de la psychanalyse en enseignement principal de psychopathologie.
    En effet, des étudiants en psychopathologie peuvent être formés par des non psychologues comme par exemple des philosophes qui se sont spécialisés en psychanalyse et qui se prétendent psychanalystes.
    Les enseignements en psychopathologie axés sur la psychanalyse sont presque dans le déni des découvertes faites en neuropsychologie clinique et psychopathologique voire même en éthologie (cette fixation sur l’absence de vie psychique généralisée à tous les animaux m’a insupporté durant trois ans). Les étudiants en psychopathologie peuvent être bien renseignés (et encore) sur la mythologie grecque, grand classique de la psychanalyse, et sur la vie de Freud, les penchants amoureux de sa fille ainsi que sur Lacan.
    Par contre ils formés à établir des diagnostics psychopathologiques à l’appréciation subjective…ce qui expliquerait pourquoi un diagnostic peut varier d’un psychologue à l’autre. L’exclusivité de la psychanalyse dans beaucoup de nos universités entretient cette mauvaise considération vis à vis de notre discipline qui a infiltrée toutes les couches de la société pour la réduire aujourd’hui à l’état de folklore. Peu de personnes savent qu’il s’agit d’une science !
    Je ne suis pas pour la bannissement de l’ancêtre de la psychologie clinique…mais il ne faut montrer la psychanalyse comme le seul aspect de la psychopathologie, surtout quand on mesure la désillusion des cliniciens sur le terrain qui ne se montrent même pas satisfaits de leurs pratiques… peut être parce ce qu’ils réalisent qu’ils ont suivi cinq années d’études pour donner un avis subjectif relevant bien souvent du bon sens. Beaucoup de psychologues cliniciens sont morgues et dans le jugement forcé (exemple : deux parents qui se séparent et qui font tout pour bien s’entendre pour diminuer l’effet désagréable de ce changement ont été critiqués sur ce point par une psychologue d’obédience psychanalytique). Bref, quand on est spécialiste diplômé on se doit d’avoir des techniques fiables et donc menant à une convergence des résultats sur ce que l’on cherche à diagnostiquer ou à obtenir

    Quand au commentaire de Nicole Voisembert, même s’il date de l’année dernière :
    –> Tout d’abord, merci pour la femme de ménage qui ne fait pas un travail du même nature que le votre…D’ailleurs ce type de salaires s’obtient avec l’expérience.
    Je ne vois pas de quoi vous venez vous plaindre, madame, 13 euros de l’heure correspond à peu près à un salaire brut de 1 800 euros…soit le salaire moyen d’un Bac + 5 débutant, y compris d’un avocat salarié qui a suivi des études autrement plus difficiles. Si vous vouliez gagner plus, il fallait faire du commerce…

  6. Pour avoir été formé en tant que psychologue clinicien puis à présent comme médecin, je vois trois problèmes.

    Le premier c’est que le psychologue est le plus souvent un littéraire or on ne soigne pas des gens avec des mots. Les patients veulent du concret et parfois une aidé médicamenteuse. Elle ne fait pas tout mais elle peut être nécessaire quoiqu’en pensent les psychanalystes.

    Le second problème est que cela n’étant pas remboursé, le patient doit payer de sa poche. Même si certaines mutuelles remboursent 30 ou 40% du montant de 3 ou 4 séances dans l’année (la belle affaire…) cela reste très marginal et préjudiciable pour le portefeuille du patient. Allez donc expliquer à un type dépressif et fauché qui a besoin d’aide – comme je l’ai si souvent entendu à la fac – qu’il doit « payer » symboliquement la dîme de 50€ pour s’investir dans sa thérapie. Essayez même de l’envoyer en CMP vous n’aurez pas beaucoup de patients, je peux vous le garantir.

    Enfin, la formation universitaire est mauvaise, très mauvaise. Après un Master en psychologie clinique dans une université du 92 (pour ne pas la citer) j’ai bien été obligé, après 6 mois de chômage et plus de 250 candidatures, de me poser quelques questions. Je suis finalement rentré en 3ème année de médecine grâce un doctorat dans une autre discipline que la psychologie, que j’avais préparé au cours de ma formation de psychologue et je suis maintenant en 4ème année.

    Avec du recul, ce que je peux dire est très simple, la formation de psychologue clinicien est insuffisante sur le plan théorique, pratique et bien entendu clinique. La simple querelle du titre de psychothérapeute est éloquente. Si on est « psy » on est donc soignant, point à la ligne. Si ce titre est retiré, c’est bien la preuve d’une suspicion d’incompétence du psy dans la tête du législateur. Et quand on voit qu’à la fac nos enseignants nous martelaient avec aplomb des âneries du genre : vous n’êtes ni psychanalyste, ni psychothérapeute, les tests sont inutiles, etc. Imaginez une seconde à quoi est réduit le psychologue? Quant aux querelles de clocher sur la valeur de telle ou telle école prouve également que les psy sont à côté de la plaque et se laisse complétement dévorer par de faux problèmes.

    Cette profession n’a malheureusement aucun avenir. Le jour où les chiffres sur le chômage des psychologues et les revenus réels d’un psy en libéral tomberont, les colonnes du temple commenceront à trembler. D’ici là, les pauvres étudiants continuent de lire religieusement Freud et consorts en opinant du bonnet.

    1. Bonjour,
      après lecture de plusieurs commentaires, et de celui laissé par Cédric, j’ai envie de réagir. Je suis psychologue depuis 8ans maintenant et je suis actuellement au chômage depuis 7mois. Et ce n’est pas la première fois..
      J’en suis donc à me poser mille et une questions sur mon avenir, mes désirs professionnels et privés. Et la chose n’est en effet pas simple. Ce n’est pas la première fois que j’entends qu’être psychologue est un métier sans avenir.
      Même si je n’ai pas envie de partager cet avis, aujourd’hui je ne sais pas quoi en penser. Mes études m’ont permis de me construire une identité professionnelle qui est sans cesse remise ne cause, bafouée, invalidée par de nouvelles pratiques ‘innovantes’.. Mais ce que je sais, c’est que s’intéresser à la psychanalyse et vouloir l’appliquer au sein d’institutions sociales et médicales relèvent de mon désir. J’ai pu entendre et apprendre auprès de grandes personnes de ce champ qui travaillent dans le nord de la France et en Belgique et la porte d’entrée pour exercer comme ils m’ont transmis l’envie de le faire est ce statut de psychologue.
      J’espère que vous aurez l’occasion d’aller voir le film A CIEL OUVERT de Mariana Otéro qui sort en salle le 8 JANVIER 2014, il en dit long sur ce qui me tient encore à vouloir faire ce métier.
      Belle découverte et ne cédez pas sur votre désir

      1. Vous avez bien raison Jumelet, il ne faut jamais céder sur son désir. C’est d’ailleurs cela qui permet de repenser la fonction que l’on occupe dans une institution ou une entreprise à la lumière de notre formation de départ. Cette identité dont vous parlez c’est la votre avec et sans la casquette de psychologue.

    2. Cédric bonjour, je suis pareillement très interessé par l’admission direct en médecine ; comment puis je avoir quelques infos ? m’est il possible de correspondre avec vous en privé ?
      Un gran dmerci à vous
      Vivien

      1. Bonjour Vivien,
        Je vais tenter de répondre à votre question. La seule manière d’intégrer des études de médecine « en parallèle » c’est de postuler avec un doctorat d’État, de préférence dans une branche scientifique : biologie, pharmacie, chimie, neurosciences, à la limite, psychologie cognitive, c’est ce que j’ai fait, mais j’ai beaucoup galéré. À ce moment là vous devrez montez un dossier béton avec lettres de recommandations, CV, articles, résumé de votre thèse ainsi que le rapport complet du jury, lettre de motivation. Vous ne pouvez préparer qu’un seul dossier pour une admission en troisième année de fac de médecine. tout cela se passe en trois temps: 1) critères sur dossier, 2) entretien à l’oral, 3) sélection par le comité du jury de la fac que vous aurez choisi. Autant que vous le sachiez tout de suite, il y a environ 25 places en France. La meilleure solution est de recommencer vos études du début, car au fond la P1 n’est pas si terrible lorsque vous avez traversé un M2 + une thèse.

    3. la réalité est dure à entendre ! Les responsables ne sont ils pas les unniversités qui creent du diplome sans aucune valeur marchande ?

    4. « On ne soigne pas avec des mots »….Mon Dieu, et moi qui fait cela depuis 32 ans…devrais-je changer de technique ? il y a une expression qui me vient, « mieux vaut entendre ça que d’être sourd ». mais en l’occurrence, j’hésite ..

  7. Bonjour,

    c’est un article très intéressant et c’est malheureusement la triste réalité, je suis psychologue clinicienne depuis 2014 et cela fait 10 mois que je suis en recherche d’emploi. Personnellement, j’ai fait mes études à Bruxelles où j’habite et la situation est aussi désespérante qu’en France.

  8. Il ne faut pas s’étonner que ce métier de psychologue ne soit finalement qu’une béquille instable, et déjà pour de nombreux psychologues eux-même. En effet cette profession se heurte à de nombreuses incompréhensions qu’il faudra bien qu’elle réalise.

    Tout d’abord le problème de la durée. Cela fait maintenant 5 ans que je suis suivi par une psychologue et rien n’indique que cette psychothérapie soit sur sa fin, simplement parce que la personne qui me tient ne fixe pas de buts. Je navigue à vue, souvent mal vue, sans savoir ce qui est recherché, la prise en charge peut bien s’éterniser, cela ne l’inquiète pas. Il y a là une entourloupe affective qui se complait à poursuivre et à reporter à chaque saison la séance ultime. Je me suis renseigné sur les sites spécialisés et une dépression nécessite en règle générale 18 à 24 mois de suivi, j’en suis très loin et ma psy refuse de me dire de quelle maladie je souffre…

    Bien sûr je suis pris en charge à l’hopital car incapable de survenir financièrement au cout d’une prise en charge dans la durée. C’est le second point de difficulté, le côté financier qui rebute beaucoup d’entre nous d’entamer ce « travail ». Pour chaque séance il faudrait compter 50 euros, à raison d’une séance par semaine sur 40 semaines, on arrive facilement à 2400 euros pour une année, dépense luxueuse pour des avancées bien minimes. Devant une telle débacle de moyens j’espère qu’un jour il sera mis au point une méthode pour réduire la durée et ainsi limiter les frais de prise en charge. Je fonde des espoirs sur la géographie du cerveau qui serait un bon outil de diagnostic mais nous n’en sommes qu’aux balbutiements dans ces explorations.

    Finalement et ce sera mon dernier point, je ne conseillerai à personne d’entamer une psychothérapie, trop de souffrances et de rabachages: je suis peu enthousiaste devant mon expérience… HL

  9. S’il n’y a pas suffisamment d’emploi pour les « clinicien » c’est probablement parce qu’un psychologue n’est pas un emploi matériellement et économiquement rentable. Y’a du taff pour aider les psy scolaire tout seul pour 15 circo, Y’a du taf dans le social, Y’a du taff [ethique] en entreprise. Le problème viens plutôt d’une volonté sociale et politique de ne pas utiliser des ressources de soin, tout simplement parce que ca coute du fric et que, pas grand monde ne voit l’intérêt d’aider quelqu’un en souffrance psychique. #Liberalismeinconscient

  10. Un conseil simple à ceux que cela intéressera : écoutez la loi (inébranlable) de l’offre et de la demande. Autrement dit, si vous choisissez de faire des études où il y a 80.000 offres pour 100.000 diplômés c’est à vos risques et périls. Inutile de perdre de l’énergie à vous plaindre ensuite.

  11. Titulaire d’un CAP tourneur au départ suite à une orientation irresponsable, j’ai repris mes études à 25 ans et j’ai ensuite réussi à majorer en avant dernière année pour finir, l’année suivante, par obtenir le Saint Graal afin d’exercer ma vocation, le pourquoi j’avais repris mes études. Je voulais devenir psychanalyse, ce qui me demandait donc une analyse personnelle. Voyant les faibles débouchés en clinique, j’avais opté pour la psychologie du travail en Master, les débouchés paraissant meilleurs afin de patienter avant d’ouvrir mon cabinet. Mon CV semblant démontrer mes capacités et ma pugnacité, pensais-je à tord, j’ai rejoint le marché du travail confiant. En plus, en tant qu’homme, je pensais que cette donnée me donnerait un petit coup de pouce. Une dizaine d’années plus tard, je suis devenu un excellent cariste, un bon chauffeur livreur et un assez bon agent d’entretien. J’ai de supers pompes de sécurité en cuir de phoques, et j’ai même des lacets dorés. Mais effectivement, mes risques calculés étaient assez mauvais et mon entêtement à faire ma vocation, ma presque-perte. En psychologie du travail et professions voisines, impossible de trouver quelque chose qui me plaisait vraiment. Mon analyse personnelle m’a amené à laisser tomber le projet de devenir psychanalyste : pas convaincu du truc. Aujourd’hui, soit 10 ans plus tard, je vis de petits boulots pour essayer de monter mon cabinet en TCC, EMDR et tests psychotechniques dans une ville qui ne me plaît pas vraiment (mais ce sont les finances qui décident), mais qui semble un peu plus prometteuse que d’autres plus grandes, en terme de marché. Mes rêves parisiens, voire germanopratins sont donc assez loin, je dois l’avouer : effectivement, le réel, c’est bien ce sur quoi l’on se cogne. Exercer (en TCC plutôt qu’en psychanalyse) un jour dans une ville qui me plaît, reste toujours de l’ordre du possible, peut-être, mais pas tout de suite, et encore, c’est pas sûr. J’attends impatiemment 2021 pour savoir si le remboursement des thérapies chez un psychologue sera généralisé à toute la France. Si j’avais su (je ne serais pas venu), j’aurais fait médecine, puis psychiatrie. J’aurais mis plus de temps, mais l’un dans l’autre, j’aurais été gagnant sur tous les points : être un bon cariste, ça ne me sert pas à grand chose, vraiment. Avis à celles et ceux qui veulent devenir (psycho)thérapeutes. Je vous laisse, je dois retourner chercher des petits boulots à temps partiels pour financer mon cabinet.

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