Retrouvez cet article publié dans la revue Parents.
L’environnement matériel et humain de votre enfant influence le développement de son langage. Certains éléments peuvent même le freiner au point, dans certaines circonstances, d’entraîner un retard. Explications.
Louis, 3 ans et demi, fixe du regard les images qui défilent sur son petit écran. Au menu : un programme éducatif destiné à enrichir son vocabulaire. Ce soir, ce sont les animaux de la ferme qui sont à l’honneur. Toutes les 7 secondes en moyenne, un animal apparaît, tandis qu’une voix enjouée d’enfant le présente : « La vache, meuuuuuh », « Le canard, coin coin », « le mouton, bêêêêêêêê »… Ce petit garçon est familier de la télévision. Depuis sa naissance, il lui a consacré beaucoup de son temps et de son attention, 4 à 5 heures par jour en moyenne. Et, quand il n’y est pas exposé, il tripote le téléphone de sa maman et jongle parmi tous les jouets électroniques (éducatifs, pour la plupart) qui jonchent le sol de sa chambre. Malheureusement, malgré le volume considérable de programmes éducatifs qu’il a pu consommer, ce petit garçon ne parle toujours pas. Au contraire, son niveau de langage est nettement inférieur à celui des enfants de son âge. Pour autant, Louis n’est pas un cas isolé.
Des profils comme le sien, les CMP (Centre Médico-Psychologique) et les orthophonistes en croisent de plus en plus. Pourquoi un tel engouement pour les programmes éducatifs ? « On ne sait pas trop quoi faire avec lui, quoi lui proposer, répondent ses parents. On manque de temps. Et puis, si des chaînes proposent ce genre de programmes c’est parce que c’est bien pour les enfants ! ». Contrairement aux idées reçues, aucun programme éducatif n’est en capacité, à lui seul, de développer des compétences langagières chez le jeune enfant. Une interaction avec l’adulte est indispensable.
Selon une croyance populaire, apprendre à parler serait aussi naturel pour un enfant qu’acquérir la marche ou la propreté. Comme si le petit humain était équipé pour parler, quel que soit son environnement. Or, en réalité, si aucun adulte ne prend le temps de parler à l’enfant, ce dernier aura de grandes difficultés à parler lui-même.
La télévision rend l’enfant passif
Parmi les technologies accusées de freiner le langage des tout-petits, la télévision est en tête de peloton. La littérature scientifique est unanime : une exposition trop précoce et trop prolongée au petit écran nuit au développement du langage de l’enfant et appauvrit son lexique. Pour un enfant âgé entre 8 et 16 mois, une heure par jour de programme télévisé dit « adapté aux petits » est responsable d’appauvrir le lexique à hauteur de 10%. Pour les enfants plus âgés, de 2 à 4 ans, deux heures quotidiennes de télévision multiplient par trois la probabilité d’observer des retards de langage. La probabilité est multipliée par six dans le cas des enfants âgés de moins d’un an exposés tous les jours au petit écran, même très peu de temps.
Du temps « volé » à de vraies conversations
Comment expliquer de tels résultats ? Le temps devant le petit écran est du temps « volé » à des interactions réelles, ces dernières apportant des stimulations humaines bien plus riches et bénéfiques au développement du langage. D’ailleurs, certaines études ont même souligné que le seul son de la télévision pouvait être délétère. Une télévision qui reste allumée au sein d’un foyer réduit la fréquence et la qualité des échanges au sein de la famille. Happés par le flux d’informations auditives et visuelles du petit écran, les parents sollicitent moins leur enfant. Ce dernier tend à entendre et à produire moins de mots.
Les jouets électroniques appauvrissent les échanges et jouent « faux »
Ils clignotent, lisent des histoires, comptent jusqu’à 10, jouent des chansons, récitent l’alphabet, parlent français, anglais, chinois, allemand, arabe… Malgré leur apparente polyvalence, les jouets électroniques ne sont pas plus bénéfiques au développement du langage de l’enfant. Une étude publiée fin 2015 dans la revue scientifique JAMA Pediatrics a analysé 26 moments de jeux entre un parent et son bébé âgé de 10 à 16 mois. Trois types de jouets ont été comparés : des jouets électroniques, des jouets traditionnels (un puzzle et un jeu de construction) et des livres. Leur verdict ? En présence d’un jouet électronique, les échanges entre l’enfant et l’adulte sont moins fréquents et plus pauvres sur le plan lexical qu’en présence d’un jouet traditionnel ou d’un livre. L’enfant lui-même a tendance à moins s’exprimer et à demeurer plus passif. Par ailleurs, en plus de bombarder l’enfant de stimulations, ces jouets offrent un spectre auditif pauvre et peuvent même présenter un risque pour la santé auditive des plus petits. La plupart de ces joujoux modernes jouent fort, « faux », et émettent des sons compressés et non nuancés contrairement aux sons réels. C’est à l’occasion de la dixième Semaine du Son, en 2013, que des spécialistes ont dénoncé leurs méfaits.
La musique de fond parasite la compréhension des mots
L’écoute de mélodies et de comptines peut être particulièrement bénéfique au développement langagier du tout-petit, à condition que celle-ci soit ponctuelle et de bonne qualité (évitez les voix électroniques). Or, lorsqu’une musique de fond tapisse l’espace sonore du lieu de vie de l’enfant, l’effet devient contre-productif. Le très jeune enfant ne parvient pas bien à filtrer les différents sons qui lui parviennent. Tous sont traités à la même enseigne : les mots que lui adressent ses parents, le ronronnement de la hotte aspirante, la comptine « Les petits poissons dans l’eau, nagent, nagent, nagent… ». Ainsi, la musique de fond (même à un faible volume) vient parasiter la compréhension des paroles que lui adressent l’adulte et entraîner une certaine surcharge sensorielle, une fatigue auditive, au point de le rendre irritable et de réduire son envie de communiquer.
La tablette « interactive » ne propose pas de vraies interactions
Ce n’est pas en compagnie du lapin anglophone et bavard de la tablette tactile qu’un tout-petit deviendra bilingue. C’est au cours d’interactions avec un être humain que le petit humain apprend réellement de nouveaux mots qu’il sera en mesure, a posteriori, de replacer dans le bon contexte. Lors d’un échange avec un enfant, spontanément, un adulte adapte le choix de son vocabulaire, module le ton de sa voix, reformule ses propos et n’hésite pas à répéter s’il s’aperçoit que son petit interlocuteur n’a pas compris. Aucune machine, aussi développée soit-elle, n’est en mesure de proposer un tel accordage. Or, celui-ci est précieux, voire indispensable, au bon développement du langage.
Comment préserver son langage ?
-Parlez avec votre enfant, en tête à tête, au minimum 10 minutes par jour, dans un environnement calme
-Privilégiez les jeux qui favorisent les échanges verbaux comme les livres ou les puzzles
-Arrêtez la musique dès que votre enfant n’y prête plus attention
-Limitez au maximum son temps quotidien d’exposition à la télévision
-Eteignez la télévision pendant les repas, temps-clé de la journée où les interactions avec l’enfant peuvent être particulièrement riches
-Ne laissez pas la télévision en fond sonore
-Evitez d’exposer votre enfant à la télévision avant l’âge de 2/ 3 ans
je suis passionnée de litterature pour enfants j’adore leur lire des contes et j’aimerais reprendre cette activité en tant que retraité de l’enseignement
Le vocabulaire de l’enfant et l’apprentissage de la lecture sont également associés à l’image C’est pour quoi les illustrations des livres de jeunesse sont souvent de purs chef d’oeuvre les enfants adorent regarder les images sur les livres et enfin pour les maternelles les « pop up » ou livres animés les enchantent bien plus que les livres électroniques auxquels ils devront aussi s’habituer pour leur future scolarité car le poids d’une tabette rend les cartables plus léger mais finie cette bonne odeur de papier
Bonjour,
Nous avons acheté à notre bébé de 18 mois deux « tut tut bolides », ces voitures qui parlent, chantent et clignotent. Au départ, nous étions ravis de ces jouets avec lesquels il jouait un peu tout seul et puis petit à petit (au bout d’un mois) on s’est rendus compte qu’il devenait un peu « accro » voire un peu agressif : chez la nounou, qui n’en a qu’une, il arrache la voiture des mains des autres enfants. Je n’ai pas trouvé d’articles à ce sujet, ces jouets peuvent-ils être néfastes ? Doit-on simplement supprimer ces jouets ou peut-il y jouer modérément pendant un temps limité par jour ? Merci !