Mon enfant est-il hyperactif ?

 

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Retrouvez cette enquête publiée dans la revue Ça m’intéresse.

Pour certains spécialistes, il s’agit d’une maladie neurologique, pour d’autres d’une pure construction sociale. Explications.

Hugo, 7 ans, ne tient pas en place. En classe, il bavarde, rit brusquement, se retourne, se lève, interpelle un autre enfant, tapote son stylo sur le bord de la table, mâchouille la languette de sa trousse… Son enseignant est désemparé, ses camarades agacés. Hugo a été diagnostiqué hyperactif. Ou plus précisément TDAH (Trouble déficitaire de l’attention avec (ou sans) Hyperactivité). Un trouble fréquent et pourtant mal connu, y compris des médecins. Plus déconcertant: pour certains spécialistes, il n’existe… tout simplement pas. « L’hyperactivité existe, pas le TDAH, martèle ainsi le psychiatre et psychanalyste Patrick Landman dans Tous hyperactifs (Albin Michel).

Une prévalence surestimée

Le TDAH est apparu sous cette appellation en 1987 dans le DSM (le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, un ouvrage de référence auprès des psychiatres). Aujourd’hui, selon la seule étude existante, entre 3.5% et 5.6% des enfants français souffrent de ce trouble. Une fourchette obtenue en questionnant les familles par téléphone. «Il ne s’agit pas d’une démarche diagnostique scientifique. De plus, cette étude a été financée par Shire, le laboratoire pharmaceutique qui commercialise la méthylphénidate, molécule prescrite aux enfants dits hyperactifs», commente François Gonon, neurobiologiste, directeur de recherche CNRS et chercheur à l’université de Bordeaux. Aux Etats-Unis, la part d’enfants touchés atteint des sommets : 19% des garçons et 10% des filles, âgés de 14 à 17 ans y ont été diagnostiqués hyperactifs, soit + 53% en 10 ans. « A l’inverse, en Lombardie (Italie), la prévalence, calculée grâce à un réseau de 18 centres diagnostiques est de 0,5%» complète François Gonon.

Un diagnostic qui fait débat

Le décalage vient de la définition du trouble. Un enfant TDAH souffre de 3 symptômes (voir encadré) : une impulsivité excessive, un déficit de l’attention et une hyperactivité motrice à des degrés divers. Mais il n’existe pas de signes neurologiques ou physiques propres au trouble, d’où la difficulté pour le médecin à le diagnostiquer. Selon Bruno Harlé, pédopsychiatre au Centre Hospitalier Le Vinatier de Bron, à Lyon, « l’appellation TDAH sous-entend que l’agitation des enfants résulte de difficultés attentionnelles. Or, tous les enfants TDAH ne souffrent pas de troubles attentionnels. Certains d’entre eux manifestent davantage un manque accru de motivation et de capacité à retarder la satisfaction». Autre écueil, les signes évocateurs du TDAH ressemblent à ceux d’autres troubles, notamment les troubles des apprentissages, du comportement, de la précocité intellectuelle, des troubles anxieux etc. Enfin, certains enfants sont diagnostiqués TDAH en raison de leur immaturité due à leur âge. Ainsi, selon une étude du canadien Richard Morrow, qui a décortiqué les dossiers d’un million d’enfants de Colombie britannique, les filles nées en décembre ont 70% plus de risque d’être diagnostiquées que celles nées en janvier de la même année. Un sur-risque évalué à 30% pour les garçons.

Cerveau ou environnement ? L’origine demeure confuse

La controverse porte aussi sur l’origine de la maladie. Un faisceau d’études ont mis en évidence des lésions minimes du cerveau chez les enfants hyperactifs ou encore la suractivation et la sous activation de certaines zones cérébrales. « Ces modifications visibles à l’imagerie cérébrale ne prouvent pas l’existence du TDAH mais seulement des corrélations entre des modifications cérébrales et des symptômes comportementaux », écrit Patrick Landman. « Pour l’instant, le TDAH existe en tant que symptôme mais non en tant que maladie neurologique, ajoute François Gonon. Depuis 20 ans, plus on fait des études, plus on s’aperçoit que la part de la génétique reste minime». Pourquoi alors ce trouble se retrouve t-il davantage dans certaines familles ?« Il existe de nombreuses maladies à forte composante génétique mais pour lesquelles l’environnement joue également. Par exemple, la tuberculose, maladie infectieuse, a une forte héritabilité génétique, souligne Bruno Harlé, pédopsychiatre au Centre Hospitalier Le Vinatier de Bron, à Lyon. L’environnement a un rôle primordial dans le développement des capacités attentionnelles d’un enfant ».

L’environnement mis en cause

Selon François Gonon, l’explosion des troubles de l’attention s’explique par l’évolution de la société « Depuis les travaux de Françoise Dolto notamment, le bébé est considéré comme une personne en devenir, ce qui représente un progrès considérable. Mais les parents semblent avoir plus de difficultés à poser des limites à leur enfant ». D’ailleurs, les familles monoparentales comptent plus d’enfants TDAH que les autres. Au banc des accusés figurent aussi les écrans, qui appauvrissent les capacités d’attention des enfants. Selon une étude parue en 2007 dans Pediatrics, un enfant qui regarde la télévision une heure par jour a deux fois plus de risques de développer un trouble de l’attention à l’école primaire. En effet, l’écran sur-stimule le système de l’attention involontaire, au détriment de celui du système de l’attention volontaire (orienté vers la page d’un livre, la ligne d’un cahier…), précieux pour les apprentissages.

Les répercussions sur la sphère familiale et scolaire

Quelle que soit l’origine de l’hyperactivité, elle génère souvent une grande souffrance. Malgré sa bonne volonté, l’enfant perd rapidement le contrôle de son comportement. « Ces enfants sont rarement invités par leurs copains d’école ou emmenés au centre commercial par leurs parents, du fait de leur incessante agitation. Avoir un enfant hyperactif bouleverse la famille et la plonge dans un cercle vicieux où les parents excédés peuvent en arriver à une maltraitance psychologique, qu’ils se reprochent amèrement » souligne François Bange, psychiatre, praticien attaché à l’hôpital Robert Debré et Sainte-Anne, auteur de L’Aide-mémoire de l’hyperactivité, enfants, adolescents et adultes (Dunod). Désemparés, les parents ne savent pas toujours comment réagir. Les enseignants non plus. « Beaucoup de familles nous consultent lorsque l’enfant entre à l’école, aux premiers examens ou lors du passage à un niveau supérieur, témoigne Hélène Ducret, co-Présidente de l’Aspedah, l’association Suisse Romande de parents d’enfants et d’adultes concernés par le TDAH (aspedah.ch). « Les enseignants de maternelle tolèrent une certaine agitation de la part des élèves mais ce n’est plus le cas en primaire» souligne François Bange. En Suisse, à Veyrier, une école primaire a exclu un enfant hyperactif et l’a placé dans un centre médico-pédagogique, estimant que l’école ordinaire n’était pas en mesure de l’accueillir. En France, l’école publique est supposée prendre en charge les troubles. « Ces enfants ont besoin de bouger pour apprendre. Pourquoi ne pas les laisser tourner autour de leur table ou se balancer sur leur chaise pour mémoriser leur poésie ?, s’interroge Hélène Ducret. »

De précieuses stratégies éducatives

Apprendre à apprendre est en effet l’une des stratégies les plus efficaces pour épauler un enfant hyperactif. « Il importe d’aider les parents à adapter leurs pratiques éducatives» pointe François Bange. Ils peuvent s’appuyer sur les programmes éducatifs d’entraînement aux habiletés parentales, notamment celui développé par le Canadien Russel Barkley. Le but ? Accompagner l’enfant et trouver les clés pour ne pas entrer dans un rapport de force interminable. Parmi les techniques, le médecin propose de réserver un moment spécial quotidien à l’enfant, au cours duquel il fait ce qu’il souhaite, seul avec ses parents; de donner des ordres efficaces et simples ; de veiller à lui prêter attention (et à le féliciter) aux moments où il ne les dérange pas. Autre astuce: un système de jetons ou gommettes qui récompensent des actions prévues à l’avance (se mettre en pyjama seul, mettre le couvert) quand elles sont réalisées. De son côté, l’Education Nationale propose des aménagements pédagogiques adaptés aux difficultés d’attention et de concentration. Par exemple, l’enfant ne répond qu’à 5 questions sur 7 ou l’enseignant ne tient pas compte des fautes d’orthographe.

Les psychostimulants en dernier recours

Qu’en est-il des médicaments ? La Haute Autorité de santé préconise de privilégier les thérapies comportementales et cognitives et de ne recourir aux psychostimulants que lorsque la situation devient insoutenable. Le méthylphénidate, plus connue sous le nom de Ritaline fait débat, notamment à cause de ses effets secondaires (pertes d’appétit, insomnies, maux de tête, retards de croissance…). Si les parents parlent de « miracle » car leur enfant, plus posé progresse à l’école, de nombreux médecins fustigent une prescription systématique. « Sous psychostimulants, les enfants maintiennent mieux leur attention sur des tâches ennuyeuses, répétitives, explique François Gonon. En revanche, le travail réalisé n’est pas de meilleure qualité ». Des chercheurs de l’université de Toronto et de Princeton ont suivi des enfants traités depuis 10 ans. Résultat, les performances scolaires ne s’améliorent pas à long terme. Les chercheurs notent aussi des effets secondaires émotionnels nocifs comme une mésentente avec les parents, surtout chez les filles.

La consommation de Ritaline en hausse

Pourtant, la consommation de Ritaline ne cesse de grimper. Selon le laboratoire de recherche Celtipharm, 3% à 4% des garçons et 1% des filles d’âge scolaire en prennent et le nombre de boîtes vendues s’est accru de 70% en 5 ans. Pour Patrick Landman, c’est le produit qui fait la maladie. En clair, le regroupement des 3 symptômes constituant le TDAH coïnciderait avec le lancement de la Ritaline, qui traite justement ces 3 symptômes. Selon le psychanalyste, outre les laboratoires pharmaceutiques évidemment, les familles participent aussi à cette « construction sociale ». En effet, un diagnostic de maladie avec le traitement adéquat peut les soulager après des années à essayer, plus ou moins vainement d’aider leur enfant.

De son côté, François Bange regrette la mauvaise image dont souffrent les hyperactifs. « Les hyperactifs regorgent d’énergie. Une fois qu’ils ont trouvé une voie qui les passionne, ils pourront l’investir à des fins très positives ». Des atouts hélas peu mis en valeur à l’école. « Il importe de rassurer les parents en leur rappelant que l’avenir de leur enfant n’est pas bouché, bien au contraire ».

Les symptômes qui peuvent alerter

Selon le DSM-V (manuel de référence, quoique controversé des psychiatres sur les troubles et maladies mentales), il faut songer au TDAH quand 6 des 9 symptômes persistent pendant au moins 6 mois et ont un retentissement négatif et direct sur les activités sociales et scolaires. Seul un médecin spécialisé (généralement à l’hôpital) peut diagnostiquer le trouble.

Inattention

– L’enfant fait de nombreuses fautes d’étourderie, il ne prête pas attention aux détails

– Il est facilement distrait, a des difficultés à soutenir son attention

– Il ne parvient pas à mener à bien les épreuves nécessitant une forte concentration

Hyperactivité

– Il agite très souvent les bras, les jambes, les pieds, les mains, ne tient pas en place, se montre toujours impatient

– Il se lève et/ ou se déplace dans un environnement où il devrait rester assis (en classe, au restaurant, à un spectacle…)

– Il parle souvent trop, de manière irrépressible

Impulsivité

– Il répond aux questions avant qu’elles lui soient posées

– Il a du mal à attendre son tour

– Il interrompt souvent son entourage au cours d’une activité, d’un jeu, d’une conversation

Un trouble à vie pour un tiers des enfants

En 2013, l’équipe de William Barbaresi (hôpital de Boston) a décortiqué les dossiers médicaux de 5 718 adultes nés entre 1976 et 1982. 367 avaient été diagnostiqués TDA/H lorsqu’ils étaient enfants, et 232 d’entre eux étaient toujours suivis. Résultats : 29% des adultes diagnostiqués TDAH enfants présentent toujours de ce trouble. Et parmi eux, 81% sont touchés par un autre trouble psychiatrique (trouble de la personnalité, dépression, anxiété) contre 47% de ceux n’étant plus TDAH et 35% de la population générale. Avec l’âge, le trouble se transforme. Un adulte contrôle beaucoup mieux son agitation. Mais le déficit d’attention et l’impulsivité excessive demeurent. Ainsi, Outre-Atlantique, on les qualifie d’ADD, Attention Deficit Disorder. Comme le souligne François Bange, ces adultes prennent de nombreuses décisions sur un coup de tête, vivent dans l’instant présent. Du fait de leur difficulté à gérer leur temps, ils peuvent consacrer beaucoup d’énergie à des tâches secondaires et ils ont souvent du mal à garder de l’ordre dans leurs affaires. Une méta analyse réalisée en 2006 a aussi évalué à une fourchette de 54 % à 88 % le sur-risque d’être impliqué dans un accident de voiture. Comme chez les enfants, les thérapies comportementales et cognitives permettent souvent de mettre en place des stratégies pour mieux s’organiser.

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