Retrouvez cet article publié sur le site du Cercle Psy.
Distinct de l’infanticide qui désigne l’assassinat d’un enfant, le néonaticide évoque celui d’un nouveau-né âgé de moins de vingt-quatre heures. Un acte souvent commis par la mère. On a longtemps cherché à donner un sens à ce phénomène, à expliquer l’inexplicable. Qui sont donc ces femmes qui commettent l’irréparable ? Présentent-elles un profil type ?
Voici la problématique à laquelle s’est attelée une équipe de chercheuses du Cermes3 de l’université Paris Descartes (1). Leur méthodologie ? Décortiquer 54 documents d’expertise relatifs à 17 affaires de néonaticides commis entre 1996 et 2000. Dans le cadre de recherches anglo-saxonnes antérieures, un profil type avait été dessiné : des jeunes femmes célibataires, primipares (accouchant pour la première fois), précaires sur le plan financier et éducationnel, vivant pour la plupart au domicile de leurs parents et confrontées à une grossesse non désirée.
Un profil assez ordinaire
Contre toute attente, les résultats de l’étude française ne convergent pas avec ces données. Le profil de ces mères se révèle assez ordinaire : 60 % d’entre elles élèvent déjà d’autres enfants, et sont même décrites comme de « bonnes mères », investies. Seule une d’entre elles a déjà commis quatre néonaticides. La quasi-totalité exerce une activité professionnelle. Et 14 de ces 17 femmes n’ont pas subi pendant leur enfance de discontinuité de vie, un placement ou le décès d’un proche. De même, leur quotidien n’est pas particulièrement marqué par la violence, ni par le délit, puisqu’au moment des faits, toutes bénéficiaient d’un casier judiciaire vierge. Contrairement aux apparences, seules 4 de ces mères souffraient de troubles psychotiques… tandis que la majorité souffre de troubles psychopathologiques résultant directement du meurtre de leur bébé, pour la plupart des troubles dépressifs, voire un stress post-traumatique.
Toutefois, les chercheuses relèvent chez ces mères un investissement atypique de leurs propres parents dans leur éducation. Pour la quasi-totalité d’entre elles, les grands-parents sont décrits comme désinvestis de leurs fonctions parentales, sachant que, si les répercussions de ce désinvestissement sont affectives, leurs raisons ne le sont pas nécessairement.
Les parents des mères néonaticides peuvent se montrer par exemple accaparés par des soucis économiques et professionnels qui viennent entraver leur disponibilité auprès de leur famille. À l’inverse, 5 de ces femmes souffrent d’un investissement excessif de leur propre mère, et décrivent une sorte d’enfance « sous contrôle ».
Un contexte relationnel instable
Les auteures de l’étude ont relevé un autre point récurrent chez ces mères néonaticides : l’instabilité de leur couple. Soit ces femmes se sont séparées avant les faits, soit après, soit elles craignent d’être quittées par leur compagnon, soit leur couple est en difficulté.
Ces femmes témoignent donc d’un profil « psycho-relationnel » particulier, et souffrent d’un isolement affectif et social important.
Les trois chercheuses concluent à des personnalités « en creux » : des femmes discrètes, réservées, sans histoire et non psychopathiques. Leur trajectoire de vie est quant à elle ponctuée de « non-facteurs », à savoir une existence exemptée de traumatismes, de délits ou d’antécédents psychiatriques. Un point non négligeable est tout de même commun à toutes ces mères : le non-suivi de leur grossesse.
(1) Natacha Vellut, Laurence Simmat-Durand, Anne Tursz, « Le portrait des mères néonaticides dans les expertises judiciaires », L’Encéphale, vol. 39 (5), 2013.
Votre commentaire