Psychologues : comment répondre à l’interview d’un journaliste ?

Photo : http://remibrossard.wordpress.com/Et hop ! Voici un guide écrit à l’attention de mes homologues psychologues qui s’apprêtent à répondre aux questions de mes confrères journalistes. C’est le moment d’enterrer la hache de guerre entre ces professionnels, tous deux experts de la communication…

Psychologues et journalistes : une mésentente réciproque !

Nos cinq années d’étude ne nous préparent pas, nous, psychologues, à affronter les médias. De manière générale, les journalistes ne sont pas appréciés des psychologues, voire, ils leur font un peu peur. Il faut dire que les préjugés sont tenaces : les journalistes déforment l’info comme ça les arrange, recherchent le scoop, sont dans l’exagération, toujours pressés, et prétentieux. Figurez-vous que cette mésentente est réciproque. L’image que les journalistes ont des psychologues n’est pas plus glorieuse ! Une fois de plus, les préjugés sévissent : les psychologues sont introvertis, pas drôles, ils ne savent pas s’exprimer, et quand ils s’expriment, on ne comprend rien ! Bref, pour un journaliste, interviewer un psy, ce n’est pas une partie de plaisir ! Psychologues et journalistes : tous deux ne semblent pas parler le même langage, et pourtant, tous deux sont des experts de la communication. Reste à trouver un terrain d’entente…

Un petit pas pour vous, un grand pas pour la profession !

Un journaliste vous a proposé une interview, et vous avez accepté ? Bravo ! Les psychologues sont trop peu présents sur la scène médiatique, contrairement aux psychiatres et aux psychanalystes que l’on voit partout. Et la présence de psychologues dans les médias offrent d’innombrables avantages à la profession. Cela a le mérite de lutter contre les vieux clichés : non, un psy n’est pas ce vieil homme aux lunettes à double foyer qui jargonne plus qu’il ne parle, et surtout, qui ne fait référence qu’à la psychanalyse ! Chaque intervention d’un psychologue sensibilise un peu plus le grand public à la variété des grands courants de notre discipline, ainsi qu’aux différentes facettes de notre métier. Plus les psychologues interviendront sur la scène médiatique, plus ils gagneront en considération, politiquement et économiquement.

Quelques conseils…

Pour vous préparer à une interview, le mieux est de vous plonger dans l’esprit d’un journaliste : après tout, qu’attend-il de vous ? En un mot, que vous soyez « bon client » (c’est ainsi que l’on dit dans le jargon journalistique, un terme à faire frémir les psys !). Sachant que les critères varient nettement d’un média à l’autre, s’il s’agit d’une interview pour la télévision, la radio ou la presse écrite.

-Soyez réactif : lorsqu’un journaliste vous propose une interview, il espère que vous lui répondrez le plus rapidement possible. Parfois même, il sollicite simultanément cette interview chez plusieurs experts pour gagner du temps, de quoi vous faire grincer des dents. Mais n’y voyez pas un manque de considération de sa part. C’est juste que la légende dit vrai : dans la presse, ils sont pressés. Dans de nombreux médias (surtout aux news et à la télé), les journalistes ont peu de temps pour élaborer leur sujet.

-Informez-vous  sur le contexte de cette interview : demandez au journaliste son nom, son numéro de téléphone, l’organe de presse dont il s’agit, le sujet et l’angle du reportage, sa « deadline », la date de la publication, et s’il souhaite recevoir quelques documents complémentaires par mail.

-Préparez-vous : il est important que vous prépariez bien en amont les quelques éléments clés que vous souhaitez lui communiquer, laissez peu de place à l’improvisation et l’impulsivité. D’ailleurs, n’acceptez pas d’interview téléphonique immédiate. Octroyez-vous en premier lieu le temps de la réflexion. Demandez-lui sa « deadline », et proposez-lui de le recontacter dans les 10 minutes. Si vous ne souhaitez pas lui accorder cette interview, expliquez-lui pourquoi (pas le temps disponible, pas votre spécialité) et orientez-le vers l’un de vos confrères.

-Présentez-vous : dès le début de l’interview, mentionnez notre nom, prénom, fonction, lieu d’exercice professionnel, organisme auquel vous êtes rattaché, votre spécialité si besoin est. Cela évitera quelques erreurs (involontaires) de sa part ! Car sur le net, tous les profils ne sont pas toujours mis à jour.

-Soyez compréhensible : évitez tout jargon, et si jamais vous vous risquez à émettre un ou deux « gros » mots, explicitez-les juste après avec des mots clairs, comme s’il s’agissait d’un patient, ou un enfant de 8 ans. A moins qu’il soit spécialisé, le journaliste a une connaissance très profane de la psychologie.

-Gardez le fil rouge en tête : les questions d’un journaliste sont généralement très précises, concrètes, très « grand public ». Elles peuvent déstabiliser certains psychologues, davantage habitués à des questions plus spéculatives, d’un niveau d’analyse supérieur. Ainsi, il est important que vous gardiez en tête le fil rouge, la question posée par votre interlocuteur. Si vous ne savez pas y répondre ou si vous ne le souhaitez pas, n’essayez pas de noyer le poisson, le journaliste n’est pas dupe et en ressortira agacé ! Soyez honnête et expliquez-le lui simplement.

Par ailleurs, si vous avez un message précis à faire passer sur le sujet, et qu’aucune de ses questions ne l’aborde, reposez vous-même le débat, par exemple : « la question n’est pas de savoir si cette approche a de l’avenir, mais si elle est réellement adaptée aux besoins des patients ».

-Donnez des exemples concrets, des chiffres : les journalistes sont friands d’exemples, de données concrètes telles que des chiffres, des pourcentages, des dates, des témoignages, des souvenirs. Bien entendu, évitez de divulguer le cas d’un patient, même si le journaliste vous le demande. Imaginez plutôt une histoire qui pourrait être réelle, tout en le précisant. Cela leur permet d’apporter du contenu à leur interview, et de toucher davantage le lecteur (auditeur ou spectateur). Ainsi, avant l’interview, mettez de côté toutes les données qualitatives et quantitatives recueillies sur le sujet qui permettront à l’auditeur de mieux s’identifier, et qui agrémenteront vos propos le jour J.

-Soyez innovants : quel que soit le sujet abordé, il l’a sans doute déjà été dans le passé. Soyez donc innovants ! Apportez un élément nouveau ou bien abordez ce sujet sous un angle différent de d’habitude en précisant votre stratégie au journaliste. Par définition, le journaliste recherche la nouveauté.

-Accrochez votre auditoire : si l’interview se passe à la radio ou à la télévision, accrochez votre auditoire ! Captez leur attention en rendant le sujet passionnant, frappant, et en amorçant votre intervention par une idée forte (une idée clé, un chiffre inattendu, un exemple). Habituellement, les dires d’un expert entrent dans une oreille et ressortent quelques minutes après, par l’autre. Pour votre part, faites en sorte que les gens se souviennent de vos idées, trois semaines après ! Efforcez-vous également d’être bref, clair et concis, percutant.

 -Proposez-lui de relire l’interview avant publication : pour éviter les déformations (volontaires ou involontaires) de vos propos, demandez en amont au journaliste s’il sera possible, ou non, de relire votre intervention avant publication; sachant que dans de nombreuses écoles de journalisme le mot d’ordre est de ne pas faire relire l’interview. En presse écrite, la relecture peut être coutume, contrairement à la télévision et à la radio. Mais attention, la possibilité de relecture ne signifie pas que vous pouvez tout réécrire de A à Z ! Les journalistes en ont horreur. Et pour cause, si vous êtes l’auteur de ces propos, le journaliste est l’auteur et le propriétaire de cet écrit ! Attention de ne pas le court-circuiter. Par ailleurs, attendez-vous à ce que vos 45 minutes d’échanges finissent en un maximum de… 45 mots ! Produire beaucoup pour garder peu, c’est un peu la loi du genre dans la presse. Ce n’est pas que vos propos n’étaient pas suffisamment intéressants, c’est juste que le journaliste a peu de place à disposition.

En résumé, durant une interview :

-Ne vous énervez jamais

-Ne dites rien de confidentiel

-N’employez aucun jargon

-Soyez accessible

-Ne parlez ni trop lentement, ni trop vite

-Tenez-vous en aux faits

-Soyez sincère

-Soyez bref et percutant

Bon courage ! La corporation des psys est avec vous 😉

2 commentaires sur “Psychologues : comment répondre à l’interview d’un journaliste ?

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