Retrouvez cet article publié dans le Hors-Série du Cercle Psy « Qui sont vraiment les psychologues ? »
Ni psychologues, ni psychanalystes, ni psychiatres, ils entendent tout de même exercer la psychothérapie. Qui sont les psychopraticiens ? Et qu’en pensent les psychologues ?
Calfeutrés dans leur cabinet, les professionnels de la psychologie ne pouvant prétendre au titre de psychothérapeute exercent sous des appellations diverses : ils s’autoproclament pour la majorité psychopraticiens, mais aussi psycho-conseillers, psycho-analystes, psycho-somaticiens, conseillers en santé mentale… La liste est longue. La réglementation du titre de psychothérapeute a entraîné ce foisonnement. « Il est dommage que la loi n’ait pas envisagé toutes ces appellations qui visent clairement à la contourner », regrette Jacques Borgy, psychologue clinicien, psychothérapeute et secrétaire général du Syndicat national des psychologues (SNP).
« Psychopraticien » ?
« Psychopraticien » est désormais le qualificatif auquel peuvent prétendre les centaines de professionnels qui s’engagent dans une formation en psychothérapie autre que celles réglementées par la loi. Une terminologie sur laquelle se sont accordées les associations représentant la profession : « Diverses appellations ont été envisagées. Finalement, un consensus s’est dégagé sur le terme de psychopraticien, adopté par l’AFFOP [Association fédérative française des organismes des psychothérapies relationnelle et psychanalytique, n.d.l.r.], le SNPpsy [Syndicat national des praticiens en psychothérapie relationnelle et psychanalyse, n.d.l.r.], la FF2P [Fédération française de psychothérapie et psychanalyse, n.d.l.r.], Psy’G [Groupement syndical des praticiens de la psychologie, psychothérapie, psychanalyse en exercice libéral, n.d.l.r.], et Psy en mouvement », note Bruno Décoret, psychologue, docteur en psychologie, psychothérapeute et président de l’organisation Psy en mouvement, sur son site web (1). Cette terminologie ne désigne donc pas un titre en tant que tel, mais la dénomination d’une activité, comme pourrait l’être celle d’informaticien. Difficile par conséquent de déterminer quels professionnels se cachent sous ce terme aux déclinaisons multiples : psychopraticien psychocorporel, neuro-psychopraticien, psychopraticien multiréférentiel… « Nous sommes complémentaires des psychologues. Tandis que les psychologues s’axent davantage sur le pourquoi, nous aidons le patient dans sa recherche de solutions, notamment avec les outils de la programmation neuro-linguistique*, l’hypnose éricksonienne*, l’approche transgénérationnelle*, sans oublier l’approche psychopathologique qui est l’enseignement fondamental de notre Institut », explique Nathalie Jacquet-Moitié, psycho-analyste clinicienne, codirectrice de l’Institut Européen de Psychologie Appliquée (IEPA) et cofondatrice de l’association Psy en mouvement.
« Ces praticiens n’ayant pas la formation en psychopathologie minimum requise par la loi, ils disent ne pas faire de diagnostic, ni d’accompagnement de pathologies lourdes. Mais comment savent-ils que les personnes qu’ils suivent ne sont atteintes que de troubles légers ? La psychopathologie n’est pas écrite sur le front des patients », s’alarme Jacques Borgy.
Gare aux dérives !
Pourquoi ces praticiens n’ont-ils pas opté pour une formation reconnue par l’État ? Par manque de motivation à suivre un enseignement assidu de cinq années au minimum et ponctué de partiels anxiogènes ? Par choix de « flirter » avec des méthodologies alternatives ? Nathalie Jacquet-Moitié invoque, dans le cas de ses étudiants, un manque de disponibilité : « Nos élèves sont majoritairement âgés de 30 à 40 ans et ont déjà une situation professionnelle, et une famille à charge. Leur emploi du temps ne leur permet pas de suivre des enseignements à la faculté. C’est pour cette raison que nous leur proposons des cours le soir et des stages le week-end. » C’est au sein de divers centres de formation payants, plus ou moins crédibles et professionnalisants, que se forment ces praticiens de la psychothérapie. La mention « formation certifiante » qu’affichent bon nombre d’entre elles signifie qu’est délivrée, à l’issue de la formation, une attestation reconnue par les fédérations se réclamant d’une même méthodologie, et non par l’État lui-même. Bref, un brin insuffisant pour attester de la légitimité de ces enseignements. Leur contenu suit le bon vouloir de chaque direction d’établissement. Et les dérives existent : ainsi, certaines écoles enseignent la psychothérapie en un ou deux ans, d’autres augmentent soudainement leurs tarifs au cours du cursus de leurs élèves, d’autres encore forment à l’hypnose par correspondance : « Formation hypnose à distance avec support papier et audio, ou par mail, durant minimum un mois et avançant au rythme qui est le vôtre », annonce ainsi un centre de formation en ligne. Face à la multiplicité de telles pratiques, Nathalie Jacquet-Moitié renchérit : « Je n’affilie pas mon école aux autres écoles existantes, c’est pourquoi nous n’avons pas pris le titre de psychopraticien mais celui de psycho-analyste clinicien. Contrairement à la plupart des écoles, notre enseignement théorique colle à celui de l’université, nos cours et enseignants sont déclarés chaque année au Rectorat. Et nos élèves sont en mesure de demander une validation d’études à la faculté de psychologie pour suivre un Diplôme Universitaire (DU) d’un niveau Master 1 ou 2. »
Les dérives de ces formations alternatives et les pratiques peu respectueuses de certains de ces professionnels ont entraîné une levée de boucliers chez les psychologues. Sur le site web http://www.ordredespsychologues.fr, des associations dénoncent « l’explosion de la marchandisation du psychisme, le commerce des formations creuses et des pratiques abusives qui s’inspirent de la psychologie, l’exposition inquiétante du public à la multiplication des pratiques relatives au psychisme, charlatanesques, superficielles, non maîtrisées, dangereuses et sectaires ». Protéger les usagers de ces dérives est la raison d’être de l’association Psychothérapie Vigilance : « Depuis une quinzaine d’années, sous couvert de psychothérapie, des professionnels se livrent à des expériences littéralement criminelles et passibles de tribunaux », dénonce Guy Rouquet, le président, sur le site web (2). Le contrecoup de ces dérives ? La perte de confiance générale en ces praticiens, sans distinction aucune, au risque de condamner aussi de bons thérapeutes… ∞
(1) Voir www.psy-en-mouvement.com
(2) Voir www.psyvig.com
Comment protéger l’usager contre les «dérapeutes» ?
Bonjour
Je viens de lire votre article…Je suis psychanalyste depuis 14 ans..je travaille en étroite collaboration avec les médecins…
Je suis complètement d’accord sur le charlatanisme de certains courants et sur la crédulité des gens…tout ceci fait beaucoup de mal à notre métier et séparer le bon grain de l ivraie pour des personnes en souffrance devient impossible.
En revanche je trouve délirant qu aucun travail didactique ne soit prévu dans le cursus universitaire en psychologie..et être médecin,médecin psychiatre ou psychologue ne valide pas uniquement par la théorie le droit de soigner…la projection est une arme dangereuse…
Cordialement.