Assistantes maternelles : les clés d’une bonne relation avec les parents

Source photo : http://www.babybook.ch/mon-bebe/psycho-eveil/moi-jalouse-de-la-nounou.html

Retrouvez cet article publié dans la revue Infocrèche Pro de novembre-décembre 2012.

Accueillir un enfant, c’est avant tout accueillir ses parents. Votre objectif ? Créer une alliance avec l’adulte pour mieux accompagner son tout-petit. Cette relation co-éducative peut être difficile à établir en crèche collective, malgré la présence de toute une équipe. Qu’en est-il alors de vous, assistantes maternelles, qui œuvrez à votre domicile ? Que se joue-t-il de si particulier dans votre relation aux parents ? Et comment réagir en cas de conflit ?

La relation qui vous lie aux parents est d’une grande complexité. Elle vous plonge dans un paradoxe sans faille, à mi-chemin entre le personnel et le professionnel, l’intime et le financier. Votre objectif est de maintenir cet équilibre fragile, contre vents et marées. Car non, la tâche n’est pas simple. Au point que certaines d’entre vous considériez la relation aux parents comme la difficulté majeure de votre métier. Et pour cause. D’une part, vous accueillez l’enfant à votre domicile. Un lieu intime dans lequel vous éprouvez quotidiennement des évènements très personnels se rapportant à votre cercle familial. D’autre part, vous accueillez l’enfant seule. Le cadre de l’accueil, moins explicite qu’en présence d’une équipe et d’une direction, dépend donc principalement de vous. Deux points essentiels susceptibles de corser votre relation aux parents.

 

L’enfant au cœur des enjeux d’adultes

Naturellement, vous vous prenez d’affection pour cet enfant. Et une partie très intime de vous-même s’exprime dans votre manière de le pouponner, de le rassurer quand il pleure ou de le nourrir quand il a faim. Vous lui prodiguez les soins qui vous semblent les plus adaptés, et ce dans le même lieu où sans doute vous les prodiguiez à vos propres enfants. Bonjour la confusion ! Votre instinct maternel, héritage de propre petite enfance, est alors largement sollicité. « Quand vous passez dix heures par jour, cinq jours par semaine, à vous occupez d’un même enfant, il est quasi impossible de ne pas s’attacher à lui. J’ai parfois l’impression de le connaître mieux que ses propres parents ! » témoigne Jacqueline, assistante maternelle agréée pour deux enfants, en Seine Maritime. Que vous en soyez consciente ou non, votre investissement dépasse largement le professionnel. De l’autre côté, les parents vivent la situation à leur manière. Instinctivement, ils craignent que vous ne soyez pas suffisamment à l’écoute des besoins de leur loulou, et que celui-ci s’expose aux pires dangers. Aussi leur arrive-t-il de s’alarmer à l’apparition d’un nouveau bleu sur sa cuisse ou d’une griffure sur sa joue. Gagner leur confiance, qui ne sera d’ailleurs jamais pleinement acquise, fait partie de vos priorités. En même temps, ceux-ci craignent que leur enfant s’attache trop à vous. Un vrai paradoxe ! Une forme de compétition implicite peut alors naître entre vous et sa maman, de femme à femme. Et c’est à vous de la mettre en confiance : « C’est dans mon salon que la petite Isabelle a fait ses premiers pas et prononcé ses premiers mots. Et pourtant, je me suis abstenue de leur dire. J’ai préféré qu’ils découvrent ces progrès émouvants dans leur propre salon ! » confie Monique, assistante maternelle agréée pour trois enfants, à Paris. C’est donc au sein d’une même relation que s’intriquent et s’équilibrent ces différents enjeux affectifs.

 

Quand cet équilibre n’est plus…

Il arrive malheureusement que cet équilibre vacille quand l’un d’entre vous (le parent ou vous-même) débordez de votre place et outrepassez vos droits. Ce que vous craignez le plus ? Que les parents vous envahissent. Une invasion contre laquelle chacune d’entre vous se bat comme elle peut, selon ses ressources, son degré de tolérance et sa sensibilité. Pour certaines, conserver la bonne distance avec les parents sera un jeu d’enfant. Pour d’autres, un parcours du combattant. « En trente ans de carrière, j’ai tout vu : le parent qui me demande de lui faire un café le matin en arrivant, celui qui me confie ses problèmes de couple, celui qui se permet de s’allonger sur mon canapé, ou encore de juger la déco de mon appartement ! » témoigne Sandra, assistante maternelle agréée pour deux enfants, à Marseille. Mais détrompez-vous, la faute est partagée. Car si de nombreuses assistantes maternelles se plaignent de parents peu scrupuleux, de nombreux parents pointent du doigt leur assistante maternelle ! « Je supporte de moins en moins la tata de mon petit Stéphane. Elle s’est permise de critiquer mes choix d’éducation et de refuser le pot à mon fils sous prétexte qu’il avait une couche ! » s’exclame Marla, maman de Stéphane, deux ans et demi, à Paris. Ces épisodes conflictuels traduisent généralement une incompréhension mutuelle et un défaut de communication sous-jacents.

 

Comment réagir ?

Conservez votre casquette de professionnelle et recentrez-vous sur l’intérêt de l’enfant. N’oubliez pas que les comportements parfois indésirables des parents ne s’adressent pas à vous personnellement, mais parfois à la professionnelle que vous êtes. Une professionnelle qui a pour fonction première de séparer les parents de leur tout-petit. Ainsi, en vous rejetant, les parents peuvent tout simplement rejeter l’idée de la séparation. Il va s’agir alors d’apprendre ou de réapprendre à communiquer, comme dans un couple. Proposez gentiment au parent de faire un point sur l’accueil de leur enfant, soit à votre domicile, soit à l’extérieur, un moment où l’enfant ne sera pas présent. N’amorcez pas ce type d’échanges sur le bas de la porte au moment des transmissions. Le moment venu, jouez cartes sur table : « Dans l’intérêt du petit, je vais être honnête avec vous. Je sens que depuis quelques temps une certaine gêne entre nous. Une gêne dont j’aimerais que l’on discute ». Ainsi, proposez au parent d’analyser ensemble les moments qui vous ont parus conflictuels : « La semaine dernière, lorsque je vous ai suggéré de faire manger plus de fruits à votre petite fille, je vous ai senti agacé… » ou encore « Mardi, vous avez une nouvelle fois pris l’initiative de vous servir un café dans ma cuisine, une attitude que je vis comme intrusive… ». L’objectif sera également de retrouver une confiance mutuelle. Pour cela, même si l’adaptation est loin derrière vous, pourquoi ne pas lui proposer de rester une ou deux heures dans votre salon, aux côtés de son enfant ? Non seulement cette proposition montrera votre bonne volonté, mais permettra au parent de se familiariser, de nouveau, à l’atmosphère et au rythme du lieu de vie de son enfant.

 

Vous l’aurez compris, une bonne entente entre vous et les parents ne tombe pas du ciel. C’est une relation qui se construit au fil du temps et qui sollicite de l’énergie, de la curiosité et de l’investissement de parts et d’autres. Si certaines d’entre elles peuvent s’avérer éprouvantes, elles n’en sont pas moins enrichissantes… et formatrices !

 

Qu’en est-il de l’enfant ?

L’harmonie co-éducative qui règne entre vous et les parents est indispensable au bien être de l’enfant. Celle-ci va lui permettre de mieux vivre la séparation avec ses parents et de se rendre à votre domicile le cœur léger. A l’inverse, les conflits le pénalisent indirectement. Car s’il ne saisit pas le sens de vos échanges, il en ressent la tension. Le risque ? Qu’il rechigne à vous voir et à se séparer de ses parents.

 

Pros de crèche familiale : sollicitez la direction !

J’encourage toujours les assistantes maternelles à me prévenir en cas de malaise avec un parent. C’est important qu’elles puissent me solliciter ou passer le relais. Or, bien souvent les elles pensent pouvoir le gérer elles-mêmes, jusqu’à ce qu’un conflit éclate à un point de non-retour. Notre objectif est donc avant tout de les soutenir et les faire gagner en professionnalisme.

Véronique Machefert, Éducatrice de Jeunes Enfants et Directrice Adjointe à la Crèche Familiale du Petit Prince, à Carrières-sur-Seine (78).

 

Publié par Héloïse Junier

Qui suis-je ? Une psychologue intrépide et multicasquette : intervenante en crèche, journaliste scientifique, formatrice, conférencière, doctorante, auteur et blogueuse. Ah oui, et maman aussi (ça compte double, non ?). Mes passions ? L'être humain (le petit mais aussi le grand), les rencontres, le fonctionnement de notre cerveau, l'avancée de la recherche mais aussi l'écriture, le partage et la transmission. Parallèlement à ma pratique de psychologue en crèches et à mon aventure de doctorante à l’université, j’anime des formations et des conférences pédagogiques à destination des professionnels de la petite enfance. Mon objectif ? Revisiter les pratiques à la lumière des neurosciences, tordre le cou aux idées reçues transmises de générations en générations, faire le pont entre la recherche scientifique et le terrain.

3 commentaires sur « Assistantes maternelles : les clés d’une bonne relation avec les parents »

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Héloïse Junier

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading