
Retrouvez cet article publié sur le site du Cercle Psy.
Chez la nourrice, à la crèche ou encore au parc, multiples sont les occasions pour les bébés d’entrer en relation les uns avec les autres. Toutefois, cette communication reste encore maladroite. Ce n’est qu’au fil de leur développement que leur compétence à communiquer avec leurs camarades va s’affiner et se perfectionner.
La conquête de l’imitation
A un an… L’enfant est déjà muni d’un répertoire de comportements très riche (rires, vocalisations, gestes). Toutefois, l’enfant ne parvenant pas à les combiner les uns aux autres, ceux-ci restent sans réponse de la part de son jeune interlocuteur… A cet âge, la clé des échanges repose alors sur la présence d’un objet, quelle que soit sa couleur ou sa forme. Véritable médiateur, celui-ci va attirer l’attention des deux enfants et leur permettre de partager un centre d’intérêt.
A deux ans… Les objets perdent rapidement de leur importance. A cet âge, les échanges deviennent plus spontanés et émotifs, ce qui constitue le premier pas vers une communication authentique.
A trois ans… Les enfants commencent à privilégier les échanges en tête-à-tête plutôt qu’en groupe, ce qui est une étape supplémentaire vers une communication mature. Désormais, ils contrôlent les messages qu’ils émettent et décodent ceux qu’ils reçoivent. Pierre-Marie Baudonnière (ancien Directeur de Recherche CNRS à l’Unité Neurosciences Cognitives et Imagerie Cérébrale) et Jacqueline Nadel (Directrice de Recherche CNRS au Centre de l’Emotion, spécialiste du développement de la communication et de l’imitation chez le jeune enfant et l’enfant avec autisme), ont étudié la prépondérance de l’imitation à ce stade : c’est en effet en l’imitant que l’enfant entre en contact avec son semblable. Par la suite, plus le langage est maîtrisé, plus l’imitation décline…
Filles/ garçons : y a-t-il une différence ?
Les premiers pas des jeunes enfants dans la communication sont sensiblement différents chez les filles que chez les garçons. Les observations révèlent que, dès les premiers mois, les filles paraissent plus sociables. Vers un an par exemple, tandis que pour les petites filles un sourire, un geste ou une parole suffisent à entrer en relation, les petits garçons ont quant à eux besoin d’un ballon, d’une corde ou de tout autre objet, ce qui est, notons-le, une forme de communication plus régressive. Autre constat : plus les garçons prennent de l’âge, plus ils manifestent des comportements agressifs alors qu’à l’inverse, plus les filles en prennent plus elles sourient !
De l’affection à l’agressivité…
Les enfants, comme les adultes, ressentent de l’affection pour certains de leurs pairs et au contraire de l’agressivité pour d’autres. Si pour nous autres les adultes, notre manière de l’exprimer est (plus ou moins) éloquente, il n’en est pas de même pour les très jeunes enfants.
Un enfant est attiré par un de ses petits camarades ? Celui-ci va sans aucun doute lui tendre un objet, avancer la main vers lui ou encore lui adresser une caresse, un sourire, un rire. Cette attitude positive va indéniablement entraîner une réaction elle aussi positive de la part du jeune interlocuteur, qui acceptera alors de prolonger l’échange.
Situation inverse : un enfant est agacé par son camarade ? Il risque d’esquisser des comportements agressifs et impulsifs à son égard : agitation soudaine des jambes, des bras, du tronc, ouverture crispée de la bouche, ou encore coups, jet d’objets, morsures… Cette attitude négative lui permettra de décharger sa frustration et de tenir l’autre enfant à l’écart.
Premiers pas dans l’altruisme
En tant qu’être humain, un enfant est naturellement sensible à la souffrance d’autrui, et notamment à celle d’un autre enfant de son âge. Toutefois, la compréhension de ce malaise et les moyens développés en réponse vont quant à eux se perfectionner avec le temps… Imaginons un instant un jeune enfant à la crèche, assis au milieu d’une foule d’autres enfants de sa tranche d’âge. L’un d’eux se met soudainement à sangloter, juste à côté de lui. Quelle pourrait être la réaction du jeune spectateur ?
S’il a un an, celui-ci risque lui aussi de se mettre à sangloter de manière incontrôlée, ce que nous appelons la « contagion » émotionnelle. Il est littéralement envahi par le malaise de l’autre !
S’il a deux ans, il ne pleurera pas, mais une mimique très contrariée se dessinera sans doute sur son visage. Dans la continuité, il sollicitera sa propre mère dans l’espoir que celle-ci console l’enfant malheureux.
S’il a trois ans, sa réaction signera une étape supplémentaire vers un altruisme « mature ». Cette fois, il sollicitera non pas sa propre mère, mais celle de l’autre enfant pour qu’elle aille le consoler. Décryptage de cette situation : il comprend alors non seulement que l’état interne de l’enfant qui pleure est différent du sien, mais que ce qui est susceptible de le consoler, lui, ne l’est pas forcément pour cet enfant.
Tels parents, tels enfants ?
Gerald R. Patterson et Lew Bank, chercheurs à l’Oregon Social Learning Center, ont souligné l’influence notable de la famille dans la manière dont un enfant s’y prend pour communiquer avec ses camarades. En effet, c’est en observant ses parents interagir avec d’autres adultes ou enfants, que l’enfant va apprendre, par imitation et identification, à entrer en relation avec autrui, à maintenir un contact et surtout, à résoudre un conflit. Dès 1987, Martha Putallaz (1), professeure en psychologie et en neurosciences à l’Université de Duke, expérimentait le lien qui semble exister entre le type de relations qu’entretient un enfant avec ses pairs, et les pratiques éducatives de ses parents. Le verdict ? Les enfants dont les parents pratiquent des punitions automatiques et radicales (tels que la suppression du jouet ou l’enfermement dans la chambre) ou encore des punitions corporelles, seraient perçus par leurs enseignants comme plus agressifs. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, le premier lieu d’apprentissage, c’est la famille.
(1) Putallaz, M. (1987). Maternal behavior and children’s sociometric status. Child Development, vol 58, p. 324-340.
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