Les tests psychologiques : le retour en grâce

Retrouvez cet article publié le 20 juin 2012 sur le site du Cercle Psy.

En France, on les a longtemps décriés. Mais depuis quelques années, les tests psychologiques font l’objet d’une vraie recrudescence. D’où vient cette vogue ? Comment construit-on un test, qu’apporte-t-il ? Combien coûte un tel outil, et qui peut l’utiliser ? Enquête auprès de concepteurs ou vendeurs.

Nous sommes en 1970. L’usage des tests psychologiques est particulièrement décrié : professionnels et particuliers les accusent de véhiculer une idéologie de classement, de différentiation des individus, de répression. Leur interprétation est perçue comme trop mécanique, comme s’ils étaient dotés d’une valeur absolue, et non relative. Enfin, leur passation hiérarchiserait excessivement la relation entre l’expert et le patient, le testeur et le testé.

Une palette de tests inédite

Aujourd’hui, les tests psychologiques ont largement gagné en popularité. « On redécouvre l’importance que peuvent avoir les outils d’évaluation, analyse Bernard Langelier, directeur d’Eurotests Editions. Ceux-ci fournissent à l’expert des éléments qui permettent d’émettre un avis pertinent sur une personne, dont elle pourra se saisir pour construire sa propre histoire ». Si le regard porté sur l’usage de ces tests a considérablement évolué, c’est notamment lorsque, voici une trentaine d’années, sont arrivés les bilans de compétences dans nos contrées. Toutefois, l’usage de ces outils continue de faire l’objet de reproches. Dans le champ des ressources humaines par exemple, la restitution est souvent affirmative, alors qu’elle devrait être relative. « Cet usage est pour moi condamnable » confie Bernard Langelier.

Actuellement, les psychologues ont le choix entre une pluralité de tests dont ils doivent distinguer les avantages et les inconvénients, les possibilités et les limites. « Ce choix de l’outil et de l’éditeur est une nouveauté » explique Bernard Langelier. Les tests d’efficience permettent d’émettre un diagnostic (épreuve d’intelligence générale par exemple), tandis que les tests projectifs (Rorschach, TAT) sensibilisent à la personnalité de l’individu. Ces deux types d’épreuves, aux visées distinctes, ne font pas l’objet de la même élaboration statistique, et ne bénéficient pas de la même rigueur dans la construction.

Comment construit-on un test ?

L’élaboration d’un test représente un investissement temporel considérable. « Il m’a fallu près de six ans pour réaliser l’adaptation de la NEMI-2 (un test d’intelligence pour enfants) ! » nous confie Georges Cognet, psychologue clinicien, enseignant à l’Ecole des psychologues praticiens et expert auprès des ECPA (Editions du centre de psychologie appliquée). Quelles sont les différentes étapes qui ponctuent l’élaboration d’un test psychologique aux ECPA ? Dans un premier temps, les chercheurs sélectionnent le modèle théorique qui semble le plus approprié. Puis sont créés des items (situations et questions), dont la moitié sera rejetée. Ces items sont ensuite soumis à un ensemble de 300 sujets. A la suite de cette passation, les items conservés sont quant à eux hiérarchisés du plus facile au plus difficile. Une fois le test construit, une équipe de psychologues le teste sur près de 1 200 sujets. Les experts rassemblent alors l’ensemble des réponses données et déterminent les critères de cotation. Enfin, les statisticiens élaborent normes et tableaux.

Combien coûte un tel outil ?

Au delà de l’investissement temporel, l’investissement financier est lui aussi considérable. « Il faut compter environ 150 000 euros pour construire un test d’efficience comme la NEMI-2, et encore plus pour une épreuve de Wechsler. Pour les tests projectifs, c’est un peu moins élevé » précise Georges Cognet. La part la plus importante du budget est réservée à l’intervention des équipes de spécialistes. Les éditeurs peuvent d’ailleurs avoir des difficultés à rentabiliser cet investissement, comme le souligne Isabelle Gillet, directrice des Éditions Hogrefe France : « Il nous faut des années pour rentrer dans nos frais. Certains tests ne sont pas rentables soit parce qu’ils ont trop peu de ventes, soit parce que leur développement a été trop onéreux, soit encore parce qu’ils sont souvent copiés ». Qu’en est-il du prix de vente ? Bernard Langelier précise : « Pour notre part, nous veillons à être vigilants pour proposer un juste prix. Un prix trop élevé risque d’entraîner des piratages ou d’augmenter les tarifs des cabinets ». Eurotests Editions propose ainsi des matériels de passations individuelles de 2,5 à 10 euros. Mais le tarif peut monter jusqu’à 30 euros. Par ailleurs, quel que soit l’éditeur, les tests psychologiques incluant une mallette d’objets référencés dépassent les 1 000 euros : il faut compter 1 448 euros pour la WAIS, le test d’intelligence de référence pour adultes, et 1 310 euros pour la WISC, l’équivalent pour enfants (édités chez ECPA).

Qu’est-ce qu’un bon test ?

« Si la psychologie n’est pas une science « dure », elle n’en n’est pas moins une science » précise Isabelle Gillet. Les tests psychologiques sont jugés sur leur validité, leur fidélité, et leur sensibilité.

La validité doit être avant tout théorique, c’est-à-dire que chaque test doit être en accord avec les théories récentes en la matière. Pour s’assurer qu’un test soit valide, les experts le soumettent à une population qu’ils ont déjà soumise à un autre test qui, lui, a fait ses preuves. Puis, ils relèvent la corrélation des résultats : .80 est ce qu’ils observent le plus souvent, ce qui signifie que sur 100 personnes qui passent les tests A puis B, le classement sera identique d’un test à l’autre pour 80 d’entre elles.

L’un des critères d’appréciation d’un test est également sa fidélité test – retest (sa stabilité dans le temps), ce qui signifie que si une personne repasse le test deux ans plus tard, les deux résultats seront proches. « Mais attention, les résultats peuvent aussi naturellement évoluer sans que la fidélité du test ne soit remise en question, note Georges Cognet. Une étude a par exemple mis en avant le fait que certains enfants avaient gagné une vingtaine de points de quotient intellectuel après avoir été adoptés à l’âge de 5 ou 6 ans ».

Enfin, un test psychologique se doit d’être sensible, c’est-à-dire capable de discriminer les individus. « Nous suivons les normes en vigueur, précise Isabelle Gillet, aussi bien au niveau national qu’international (avec la commission internationale des tests, par exemple). Et nos manuels possèdent toujours un chapitre « développement » qui fournit toutes les données de validité et de fidélité ».

L’usage des tests psychologiques est-il réservé aux psychologues ?

Si certains tests peuvent être accessibles aux professionnels des ressources humaines et de la santé, tels que les orthophonistes, les psychomotriciens ou encore les ergothérapeutes, « d’autres tests demeurent réservés aux psychologues, car l’interprétation des données qu’ils incluent nécessite une solide formation » précise Isabelle Gillet. Georges Cognet complète : « Les éditeurs demandent systématiquement le diplôme de psychologue avant de délivrer un test d’intelligence, de personnalité ou de fonctions cognitives ». Toutefois, le Syndicat National des Psychologues souligne qu’aucun texte législatif ne précise que seul un psychologue est en droit de faire passer un test psychologique. Cette restriction d’usage se ferait donc au bon vouloir de l’éditeur et/ ou du professionnel.

Exemple de l’Epreuve des Trois Arbres : une innovation du traditionnel test de l’arbre

De plus en plus de tests psychologiques font aujourd’hui leur apparition, dans l’optique d’appréhender l’individu dans sa complexité. Parmi eux, Benoît Fromage, professeur de psychologie à l’Université d’Angers, en propose un nouveau qu’il a mis 7 ans à élaborer : l’Epreuve des Trois Arbres (1). L’objectif : faire dessiner des arbres, comme dans le traditionnel test de l’arbre, mais cette fois, au lieu de les soumettre à l’interprétation de l’expert, c’est la personne elle-même qui les fait vivre avec ses propres récits. Car selon l’auteur, quand un individu dessine un arbre, c’est comme s’il se dessinait, et quand il y associe un récit, c’est comme s’il racontait sa propre vie, par identification. Si le principe peut laisser dubitatif au premier abord, il n’en n’est pas moins innovant. « Je suis parti du test de l’arbre, mais très rapidement je me suis aperçu que l’on demeurait dans un cadre interprétatif et que la personne elle-même n’avait pas le moyen de s’exprimer par la parole » raconte Benoît Fromage. Par exemple, l’expérimentateur demande au sujet : « Quelles impressions et quels sentiments vous procure cet arbre ? Concrètement, quels sont les besoins réels de cet arbre ? » (extrait du manuel d’utilisation Phase 1, étapes 5b, 5c et 5d). Ici, la personne formule donc elle-même ses besoins par arbre interposé. Au delà de l’identification naturelle à l’arbre dessiné, la spécificité de cet outil repose aussi sur le principe de polarisation, d’attraction-répulsion, lorsque la personne dessine un arbre de rêve et un arbre de cauchemar (Phase 2, étapes 9 et 10) : le dessin de ces deux arbres permettrait selon l’auteur d’accéder à des données profondes et inconscientes. Dans une visée phénoménologique, le sujet s’exprime à la première personne, comme dans un jeu de rôle. « Les gens trouvent cela magique » estime l’auteur. Il faut savoir que cette épreuve ne s’adresse pas uniquement aux psychologues, car il ne s’agit en aucun cas d’interpréter les propos du sujet, mais de lui permettre de construire un point de vue renouvelé sur lui-même et sa problématique. « Il n’y a donc pas de risque de dérapage possible car on reste sur un plan analogique, tant dans la réalisation que dans l’analyse et les utilisations de l’épreuve » précise Benoît Fromage. Prochainement seront organisés des formations à cet outil incluant un temps d’initiation, d’approfondissement et de supervision.

(1)  L’Epreuve des Trois Arbres sera éditée au début de l’été 2012 en intégralité chez Eurotests Editions.

Les test incontournables

La WAIS-IV (Wechsler Adult Intelligence Scale), fraîchement rééditée pour la quatrième fois, permet de quantifier l’intelligence d’un individu, mais aussi de mieux appréhender les points forts et les points faibles de son fonctionnement intellectuel. Ce test évalue quatre indices principaux : le verbal (la compréhension et l’expression du sujet), le perceptif (ses capacités à discriminer et analyser un matériel visuel), la mémoire et la manipulation mentale d’informations, et enfin la vitesse de traitement de celles-ci. Cette épreuve constitue sans conteste le point de départ d’un bilan psychologique complet.

La WISC-IV (Wechsler Intelligence Scale for Children) en est l’équivalent pour les enfants âgés de plus de six ans, tandis que la WPPSI-III (Wechsler Preschool and Primary Scale of Intelligence) s’adresse aux enfants plus jeunes, entre 3 et 6 ans. A chaque tranche d’âge son test, donc.

Enfin, le MMPI-II (Minnesota Multiphasic Personality Inventory) permet d’évaluer les troubles de la personnalité du sujet, tels que la dépression, la personnalité psychopathique, l’hypomanie, etc. Dans ce test, l’individu doit répondre par vrai ou faux à plus de 500 questions (exemple : « Je me sens souvent très fatigué » ou encore « J’ai des cauchemars presque toutes les nuits »).

Pour aller plus loin…

Benoît Fromage (2011). L’épreuve des trois arbres : bilan de situation, accompagnement et développement de la personne. Editions In Press

Lydia Fernandez (2008). Le test de l’arbre : un dessin pour comprendre et interpréter. 2ème édition. Editions In Press

Publié par Héloïse Junier

Qui suis-je ? Une psychologue intrépide et multicasquette : intervenante en crèche, journaliste scientifique, formatrice, conférencière, doctorante, auteur et blogueuse. Ah oui, et maman aussi (ça compte double, non ?). Mes passions ? L'être humain (le petit mais aussi le grand), les rencontres, le fonctionnement de notre cerveau, l'avancée de la recherche mais aussi l'écriture, le partage et la transmission. Parallèlement à ma pratique de psychologue en crèches et à mon aventure de doctorante à l’université, j’anime des formations et des conférences pédagogiques à destination des professionnels de la petite enfance. Mon objectif ? Revisiter les pratiques à la lumière des neurosciences, tordre le cou aux idées reçues transmises de générations en générations, faire le pont entre la recherche scientifique et le terrain.

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