Bébés : à chacun son rythme !

Retrouvez cet article publié dans la revue Infobébés de juin 2012.

A peine né, un enfant est déjà soumis aux normes : il doit s’asseoir à tel âge, tenir sa fourchette à tel autre, prononcer tant de mots… Et si on relâchait un peu la pression ?

En ce qui concerne le développement du tout-petit, le rythme parfait n’existe pas. Quant au bon tempo, c’est le sien! Et pourtant, laquelle d’entre vous n’a-t-elle jamais comparé son bout’chou à celui de la voisine ou encore plongé le nez dans un livre spécialisé pour mieux situer son développement? Si cette démarche est légitime et exprime un besoin de réassurance, elle n’est pas toujours bénéfique ni pour vous, ni pour votre loustic. Depuis ses tout premiers sourires, votre p’tit loup est assujetti à un tas de normes chiffrées : âge des premiers pas, du premier mot, de la première fois sur le pot… A tel point qu’au moindre doute ces chiffres ressurgissent et entraînent des questionnements à foison :  « Mon Arnaud ne marche toujours pas alors qu’il va sur ses quinze mois et que tous les enfants du même âge gambadent déjà ! » s’inquiète Ilaria.

Pas de forcing !

Ces inquiétudes peuvent alors vous inciter à stimuler excessivement le développement de votre enfant, autant d’un point de vue moteur qu’intellectuel. Une stimulation qui n’est d’ailleurs pas sans risque… Par exemple, évitez de ne pas maintenir votre loupiot en position assise avant qu’il y arrive par lui-même. Maintenu malgré lui dans une position inconfortable, votre enfant s’efforcera davantage de maintenir son équilibre pour ne pas retomber, que de prêter attention à la richesse de son environnement ou encore de laisser libre cours à son imagination. Plus gênant encore, cela risque de perturber l’acquisition de ses prochaines capacités motrices, voire même de le rendre dépendant de cette fameuse position. Nadège, auxiliaire en crèche collective, témoigne : « Depuis que sa mère le maintient régulièrement en position assise à la maison, le petit Yannick ne supporte plus de rester allongé la journée lorsqu’il est en crèche. Du coup, il pleure beaucoup quand il est sur le sol. A tel point que nous sommes contraintes de le placer dans le transat, ce qui l’isole et ne lui permet pas vraiment de découvrir les jouets et les copains qui sont à proximité !». De même, il est important de ne pas l’asseoir sur le pot, dès 12 mois par exemple, alors qu’il est bien loin de contrôler ses sphincters. Le risque ? Que votre petit bout se bloque au point que son acquisition de la propreté se retarde, mais aussi qu’il souffre de constipations, d’angoisses, ou encore d’énurésie quand il sera un peu plus grand. Vous l’aurez compris, une capacité acquise spontanément est une capacité plus solide. Et trop stimuler votre p’tit bout risque plus de le bloquer dans son développement, que de l’encourager… à croquer la vie à pleines dents !

Cap sur l’autonomie ! 

Mais ce n’est pas tout. Trop stimulé, un enfant devient rapidement dépendant de ses parents et de leur regard approbateur. Au point qu’il ne s’aventure plus dans de nouvelles expériences pour son propre plaisir, mais pour celui de ses parents, guettant ainsi la moindre lueur de ravissement dans leurs yeux. Or, sa satisfaction personnelle joue un rôle clé dans le sens où elle va contribuer au développement de son assurance et de son autonomie, tout en lui donnant envie de progresser. Bref, tout ce dont il aura besoin pour voler un jour de ses propres ailes ! Faites donc toujours en sorte que votre loulou reste maître de ses progrès. Un exemple : votre petit Lucas, qui est allongé sur le tapis de jeu, tente de se retourner sur le ventre. Mais voilà, au moment où son petit corps bascule, son bras gêne… Au lieu alors de l’aider physiquement à se retourner en faisant pivoter son corps, mieux vaut l’encourager à se débrouiller: « Vas y Lucas, maman est là, tu peux te retourner seul ! ».

Votre enfant est unique !

Alors, relax! Gardez à l’esprit que ces normes de développement ne sont qu’indicatives, que votre loulou est unique et qu’il se développera à son rythme. Les mamans de familles nombreuses, véritables spécialistes, ne manqueront pas de vous le signifier : « Léo, mon premier, n’a pas fait de quatre pattes avant sa première année. A l’époque, inexpérimentée comme j’étais, je m’inquiétais un maximum! Puis au même âge, je me souviens que sa petite sœur Claudia tenta ses premiers pas. Quant à Paul, le benjamin, il épata la galerie en se déplaçant seul dès son troisième mois! La diversité de leur développement m’a toujours étonnée…» confie Marie-Bénédicte, maman de trois enfants. Gardez par ailleurs à l’esprit que le développement d’un tout-petit se fait rarement de manière très homogène : il est courant qu’une compétence peine à se développer au profit d’une autre. Par exemple, un enfant peut présenter une avance sur le plan moteur, à savoir faire rapidement ses premiers pas, et au contraire présenter un léger retard sur le plan langagier, à savoir prendre son temps pour prononcer ses premiers mots. Mais voilà, comprendre que votre bout’chou est unique, pour le meilleur et pour le pire, ne vous empêchera pas pour autant d’espérer inconsciemment qu’il soit « normal », si ce n’est même « en avance ». Pourquoi ? Vous qui êtes une maman, posez-vous la question à tête reposée…

Bébé parfait = maman géniale

Eh oui, au-delà d’une réelle inquiétude se joue en vous la quête du bébé idéal. Dès la grossesse, vous espérez inconsciemment qu’il soit le plus beau et le plus intelligent. A la naissance, votre enfant devient votre « miroir narcissique ». Tandis que ses imperfections évoquent vos propres imperfections, ses vertus évoquent vos propres vertus. Aurélie, maman de Léa 2 ans, explique : « J’étais personnellement très fière d’apprendre que ma petite Léa était la première de la crèche à avoir spontanément demandé le pot! ». Aussi, si vous ressentez au fond de vous que le besoin de stimuler votre enfant est vraiment excessif, tentez d’en comprendre la raison. En effet, l’enfance de votre loulou venant indirectement évoquer votre propre enfance, certaines d’entre vous exprimez un désir de « réparation ». Il ne s’agit alors plus de l’enfant lui-même, mais bel et bien de sa maman. « J’ai eu plus de mal que mes sœurs à apprendre à lire, chose que mes parents n’ont cessé de me répéter. A présent que je suis maman, j’ai parfois la sensation de devoir prouver aux autres la bonne intelligence de ma fille… Je la couvre alors de jouets éducatifs et ne cesse de lui faire répéter des mots de grands » nous confie Stéphanie, maman de Gabriela (3 ans). N’oubliez pas que le bébé parfait n’existe pas tout comme la maman parfaite n’existe pas. Et c’est tant mieux, non ? Au contraire, cultivez la différence de votre loustic et tous ces petits détails qui le rendent unique, et qui forgeront plus tard sa personnalité. Il est parfait dans son imperfection! Bien entendu, certains signes d’alerte doivent vous encourager à consulter un spécialiste.

Bref vous l’aurez compris, inutile de chercher à faire entrer votre loulou dans des cases, ni à l’entraîner pour qu’il devienne un Super Bébé! Au contraire, restez à l’écoute de ses besoins, respectez ce rythme qui est le sien. Et vous vous apercevrez… qu’il n’en sera que plus serein!

Conseiller : Kevin Walter, psychologue clinicien pour enfants et adolescents à Paris. 

Publié par Héloïse Junier

Qui suis-je ? Une psychologue intrépide et multicasquette : intervenante en crèche, journaliste scientifique, formatrice, conférencière, doctorante, auteur et blogueuse. Ah oui, et maman aussi (ça compte double, non ?). Mes passions ? L'être humain (le petit mais aussi le grand), les rencontres, le fonctionnement de notre cerveau, l'avancée de la recherche mais aussi l'écriture, le partage et la transmission. Parallèlement à ma pratique de psychologue en crèches et à mon aventure de doctorante à l’université, j’anime des formations et des conférences pédagogiques à destination des professionnels de la petite enfance. Mon objectif ? Revisiter les pratiques à la lumière des neurosciences, tordre le cou aux idées reçues transmises de générations en générations, faire le pont entre la recherche scientifique et le terrain.

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