Les enfants surdoués: une intelligence qui fascine

Retrouvez cet article publié sur le site internet ainsi que dans la revue trimestrielle du Cercle Psy.

Spontanément, le terme de « surdoué » évoque deux idées : celle du « don » que l’enfant aurait reçu, mais aussi et celle du « trop », propre à une intelligence hors normes, marginale. Contrairement aux idées reçues et à ce que pourrait suggérer leur QI, l’intelligence de ces enfants n’est pas quantitativement supérieure, mais qualitativement différente. Et si nous levions le voile sur les secrets de ce fonctionnement intellectuel atypique ?

La précocité intellectuelle n’est pas rare, celle-ci concernant environ 3% des enfants, soit en moyenne un à deux élèves par classe. Lorsqu’un enseignant ou un parent soupçonne un enfant d’être surdoué, il peut le diriger vers un psychologue. A l’heure actuelle, le test du « QI » (par exemple au moyen du WISC-IV, une batterie de tests couramment employée) reste la manière la plus répandue d’identifier la surdouance, considérée comme effective lorsque le QI de l’enfant dépasse les 125/130 (sachant que la moyenne est de 100). Toutefois, la passation de ce test est loin de suffire car les chiffres en eux-mêmes ne sont pas suffisamment informatifs. Le psychologue recueille généralement en plus les témoignages des parents et de l’enseignant concerné afin de s’approcher au maximum de l’enfant, de son ressenti, de son quotidien, de sa vie.

Ils traitent les informations en parallèle

« L’arborescence » de la pensée est l’une des caractéristiques majeures de l’enfant surdoué. Chacune de ses idées va se diviser, puis se subdiviser en de nouvelles idées qui vont générer à leur tour de nouvelles ramifications, comme les branches d’un arbre. Tandis qu’un individu ordinaire traite les informations de manière linéaire (les unes après les autres), l’enfant surdoué va les traiter de manière simultanée, en parallèle (les unes en même temps que les autres). L’enseignante demande par exemple à ses élèves de restituer l’ensemble d’un évènement historique avec ses faits, ses causes et ses conséquences. Un enfant tout-venant va restituer les faits en liste déroulante, les uns après les autres, de manière linéaire. A l’inverse, à l’esprit d’un enfant surdoué se présenteront tous les faits de l’évènement en même temps, tel un feu d’artifice. Il devra alors retrouver les liens entre les différents éléments, afin de les présenter à l’enseignante de manière linéaire et logique, et ce pour être compréhensible par tous. En d’autres termes, il doit mettre de l’ordre dans sa pensée qui peut être qualifiée de “brouillon”. A noter que le mode de pensée linéaire est privilégié dans l’enseignement, ce qui peut mettre l’enfant surdoué en échec. C’est pourtant ce fonctionnement de pensée bien particulier, sollicitant majoritairement la partie droite du cerveau, qui va permettre la créativité et l’émergence d’idées « géniales ». Les experts tendent à penser que les plus grandes inventions de notre histoire seraient nées de ce type de fonctionnement intellectuel !

Ils sont intuitifs

Leur manipulation mentale des données est si vive qu’ils sont capables de produire une réponse rapide et juste, mais sans toujours savoir la justifier. Celle-ci leur paraît être une « évidence ». De ce fait, ces enfants sont généralement qualifiés d’intuitifs par leur entourage.

Ils ne partagent pas nos codes implicites

Que nous en ayons conscience ou non, nous partageons les uns avec les autres des codes implicites, qui varient d’un contexte à un autre, au supermarché, à la maison, au travail, entre amis. Lorsque l’on vous demande : « Comment allez-vous ? », vous répondez spontanément : « Très bien, merci, et vous-même ? », même si vous n’êtes pas au meilleur de votre forme. Ceci est un code implicite connu des deux interlocuteurs. Nous avons tendance à croire, pas forcément à juste titre, que l’autre pense comme nous. Cette illusion de la pensée commune peut au quotidien faire l’objet de nombreuses incompréhensions dans notre relation aux autres. Ce décalage est d’autant plus marqué avec les enfants surdoués, dans le sens où leur pensée et leurs codes de compréhension sont différents des nôtres. A l’école, les codes implicites sont nombreux. L’enseignante demande par exemple à Stéphane, 9 ans, de « faire » un ensemble de figures géométriques sur son cahier. Spontanément, l’enfant envisage de faire, dans le sens de « fabriquer », ces figures. Alors, il ne va pas seulement tracer ces figures sur le papier comme sa maîtresse le lui demande implicitement, mais bel et bien les réaliser à l’aide des matériaux à sa disposition (ciseaux, papier, colle). Bien sûr, cette conduite peut être assez mal interprétée par une enseignante non sensibilisée à la précocité, surtout si cela se répète assez souvent. Quelle que soit la situation, les enfants surdoués ont tendance à comprendre et à employer les mots dans leur sens premier, le plus courant. Ceci est assez surprenant car ils ont par ailleurs accès à l’abstraction.

Ils absorbent beaucoup d’informations en un temps record

Les enfants surdoués peuvent absorber beaucoup plus d’informations que les autres, et ce à une vitesse exceptionnelle ! Ils prennent ainsi beaucoup de plaisir à s’enrichir de nouvelles connaissances et manifestent un vif intérêt pour les recueils privilégiés d’informations tels que les livres, les encyclopédies, les reportages télévisés, etc. Pour certains auteurs, ce savoir viendrait lutter contre l’ennui et les angoisses existentielles propres à ces enfants.

Que disent les neurosciences ?

Les avancées des neurosciences nous permettent aujourd’hui de mieux comprendre la surdouance, et de mettre en avant la spécificité du cerveau de ces enfants. En voici les deux conclusions majeures. D’une part, les recherches soulignent une « hyperactivation cérébrale ». C’est-à-dire que certains réseaux de neurones sont activés en permanence. Non seulement leurs phases de repos sont moins fréquentes, mais celles-ci conservent toujours un niveau d’activation minimum. Cette hyperactivation se traduit par la sensation continue d’en avoir « plein la tête ». D’autre part, les processus cognitifs de ces enfants impliqueraient davantage l’hémisphère droit, plus « émotionnel » que l’hémisphère gauche, davantage « rationnel ». Cette implication expliquerait le traitement des informations de manière simultanée, ainsi que l’intuition et la créativité de ces enfants.

Ces enfants sont-ils heureux ?

La personnalité et la manière d’être des enfants surdoués sont bel et bien différentes de celles des autres enfants, et de nous autres adultes. Or malheureusement, qui dit différence dit bien souvent marginalité, voire exclusion. Le vécu de ces enfants est marqué par des « décalages » que Jean-Luc Terrassier a nommé « dyssynchronies ».

Une dyssynchronie entre leur niveau verbal (qui est très bon) et leur niveau psychomoteur (qui, lui, demeure dans la norme) peut par exemple entraîner des difficultés à écrire. La pensée allant « plus vite » que le la main, cette dernière risque de se crisper et donc de mal former les lettres.

Une autre dyssynchronie entre leur niveau intellectuel (très bon) et leur niveau affectif (dans la norme) peut occasionner une conduite intellectualisée, peu spontanée : leur intelligence brillante peut les conduire à un comportement « calculé » visant à dissimuler leur décalage affectif. Ainsi, ils peuvent paraître froids, peu rassurants aux yeux de leur entourage.

Un tel enfant peut également subir une dyssynchronie entre son âge mental (qui est supérieur) et son âge réel, ce qui l’encourage à nouer davantage le dialogue avec l’adulte qu’avec ses pairs. En effet, ces derniers, avec leur développement mental inférieur au sien, ne répondent pas réellement à ses besoins ; il risque de les trouver inintéressants, futiles.

Cet enfant souffre ainsi d’une dyssynchronie « sociale », c’est-à-dire qu’il va être et se sentir en décalage permanent avec ceux de son âge. Cette marginalité peut être douloureuse à vivre : l’enfant surdoué va avoir des difficultés à se faire des copains, se sentir incompris la plupart du temps, trop différent. Ces sentiments lui sont d’autant plus difficiles à supporter qu’une grande lucidité s’associe à son hypersensibilité.

Les signes d’appel de l’enfant surdoué

Grande curiosité intellectuelle
Apprentissage rapide de la lecture
Sens de l’humour
Hypersensibilité, empathie exacerbée
Emergence de questionnements existentiels (sur la vie, la mort, l’univers…)
Perception sensorielle très développée
Grande créativité
Excellente mémoire
Lucidité

  • A lire

Siaud-Facchin, J. L’enfant surdoué : l’aider à grandir, l’aider à réussir. Odile Jacob, 2008

Terrassier, J-C. et Gouillou, P. Guide pratique de l’enfant surdoué : repérer et aider les enfants    précoces. ESF, 2009

Tordjman, S. Aider les enfants à haut potentiel en difficulté. Repérer et comprendre, évaluer et prendre en charge. Presses Universitaires de Rennes, 2010

Publié par Héloïse Junier

Qui suis-je ? Une psychologue intrépide et multicasquette : intervenante en crèche, journaliste scientifique, formatrice, conférencière, doctorante, auteur et blogueuse. Ah oui, et maman aussi (ça compte double, non ?). Mes passions ? L'être humain (le petit mais aussi le grand), les rencontres, le fonctionnement de notre cerveau, l'avancée de la recherche mais aussi l'écriture, le partage et la transmission. Parallèlement à ma pratique de psychologue en crèches et à mon aventure de doctorante à l’université, j’anime des formations et des conférences pédagogiques à destination des professionnels de la petite enfance. Mon objectif ? Revisiter les pratiques à la lumière des neurosciences, tordre le cou aux idées reçues transmises de générations en générations, faire le pont entre la recherche scientifique et le terrain.

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